Arrosage au goutte-à-goutte, paillage des parterres, tonte plus sélective des parcelles, les jardiniers adaptent leurs pratiques au dérèglement climatique.
Comment les gestionnaires des parcs et jardins s’adaptent-ils au dérèglement climatique ? Comment surtout concilier contraintes patrimoniales, respect d’un cadre historique parfois très normé et préservation de l’environnement ? Pour les propriétaires de jardins de sites patrimoniaux, les défis sont nombreux : suppression des intrants phytosanitaires, gestion raisonnée des ressources, valorisation des déchets verts, recours à des essences végétales locales, etc.
Au domaine de Trévarez dans le Finistère, l’ensemble du parc est en gestion différenciée depuis 2000, une méthode d’entretien adaptée à chaque espace en fonction de ses usages et qui favorise la biodiversité. Situé au cœur d’un parc de 85 hectares labellisé « Jardin remarquable » et régulièrement primé pour ses collections de camélias, de rhododendrons et d’hortensias, le site est géré par le Conseil départemental. Les jardiniers n’ont plus recours aux traitements phytosanitaires depuis 2007, anticipant la mise en place de la loi Labbé. Depuis 2017, celle-ci interdit l’usage de ses produits pour l’entretien des espaces verts accessibles au public. L’irrigation est limitée au fleurissement annuel de la cour des écuries et ponctuellement aux jeunes plantations de l’année. Les substrats et amendements employés sont majoritairement organiques et agréés pour l’agriculture biologique. Le parc recycle ses déchets et produit son compost et son paillage à partir des déchets de sarclage, de tonte et d’élagage. « Nos techniques d’entretien évoluent vers plus de respect de la faune et de la flore », explique Jacques Le Duigou, chef jardinier du domaine breton. « L’abandon de la fauche dans certaines zones ou la pratique d’une fauche plus tardive contribue au développement de biodiversité. C’est une question d’équilibre. Concilier la gestion des jardins historiques, qui sont des lieux codifiés et celle des milieux naturels est primordial pour la conservation du patrimoine bâti et vivant, et la préservation d’espèces protégées comme le pic mar, les chauves-souris et les abeilles », complète le jardinier.
En matière de gestion des ressources en eau, le goutte-à-goutte est de plus en plus privilégié de même que l’arrosage nocturne en période estivale qui limite l’évaporation trop rapide. Au château de la Ballue, en Ille-et-Vilaine, cette gestion de l’eau s’effectue en circuit fermé. Réunissant un parterre géométrique et un jardin d’inspiration maniériste avec « chambres de verdure » et un labyrinthe de 1 500 ifs, le parc de ce château du XVIIe siècle célèbre cette année le cinquantenaire de sa création par l’éditrice Claude Arthaud. « Un système hydraulique a été créé avec récupération d’eau d’une petite source et des eaux pluviales des toitures, stockage dans un étang, système de pompage, remontée d’eau et alimentation de tous les postes d’eau des jardins », détaille Marie-Françoise Mathiot-Mathon, la propriétaire des lieux. « L’arrosage est sélectif, souvent manuel, parfois au goutte-à-goutte, parcimonieux, en fonction des besoins réels des plantations. On sera bien sûr plus vigilant avec les plantes en pots ou en bacs, ainsi que celles en floraison. Et il faut savoir accepter que les pelouses jaunissent lors d’un mois d’août caniculaire, comme en 2022 : l’inconvénient n’est qu’esthétique, elles renaîtront à l’automne suivant. Désormais, le public comprend la nécessité de préserver les ressources en eau. »
Le paillage est aussi régulièrement pratiqué en appui de cette gestion économe des ressources. Ce principe de dépôt de copeaux de bois, de fibres de peuplier, de cosses de sarrasin, au pied des plantations permet de maintenir l’humidité. Au Festival international des jardins de Chaumont-sur-Loire, on utilise notamment le bois raméal fragmenté (BRF), technique qui résulte de l’observation des forêts canadiennes. La décomposition des branches d’arbres tombées au sol enrichit l’humus par le développement de champignons et l’apparition d’insectes multiples qui s’en nourrissent. Les jardins secs, économes en eau, font aussi leur apparition dans les lieux consacrés à l’horticulture, comme celui créé en 2023 par le Britannique James Nason, à l’entrée du domaine.Cet engagement en faveur de l’environnement est aussi un outil de communication et de pédagogie destiné aux visiteurs. La plantation de haies champêtres (favorables aux insectes et aux animaux), l’association des arbres et des plantes au sein d’une même parcelle, le recours au purin de plantes ou aux déchets verts, le compost, constituent quelques-uns des usages respectueux de la nature, regroupés au sein du Jardin des bonnes pratiquesà Chaumont-sur-Loire. Avec l’idée que de ces graines germeront des gestes plus écolos parmi les jardiniers amateurs.
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Des jardins plus écologiques dans l’air du temps
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°777 du 1 juillet 2024, avec le titre suivant : Des jardins plus écologiques dans l’air du temps