BALKH / AFGHANISTAN
Malgré leurs promesses, les talibans n’ont pas endigué les pillages de sites archéologiques, d’après une étude de l’université de Chicago.
Chicago (Illinois). Lors de leur reprise du pouvoir à l’été 2021, les talibans s’étaient engagés à protéger le patrimoine afghan et à sévir contre le trafic d’antiquités. Une étude d’images satellites américaines révèle que plusieurs dizaines de sites archéologiques ont été fouillés illégalement depuis 2021, y compris avec des bulldozers. Le programme « Afghan Heritage Mapping Partnership », porté par l’Institut oriental de l’université de Chicago, remonte à 2015 et vise à produire une cartographie des principaux sites archéologiques à partir d’images satellites analysées par intelligence artificielle. À ce jour, le projet a recensé près de 29 000 sites, dont des sites auparavant inconnus, selon les chercheurs du Chicago Center for Cultural Heritage Preservation, qui participent à l’analyse des données. Mais ceux-ci s’alarment d’une évolution accélérée des pillages, notamment dans la région de Balkh, au nord-ouest de l’Afghanistan, c’est-à-dire l’antique Bactriane qui fut conquise par les Achéménides (VIe siècle av. J.-C.) et Alexandre le Grand (IVe siècle av. J.-C.). La région, qui est devenue une étape importante sur la Route de la soie, est également connue comme le berceau de la religion zoroastrienne (à partir du Ier millénaire av. J.-C.). La plupart des sites pillés avec des bulldozers sont situés dans cette zone proche de la frontière avec l’Ouzbékistan et déjà connue pour son intense activité de trafic en tous genres. D’après le directeur du programme, Gil Stein, les images satellites montrent « des traces de bulldozers qui apparaissent à la surface des sites » et ensuite « des tranchées et des trous creusés par les pilleurs » : les bulldozers déblaient donc grossièrement le site avant l’arrivée des pilleurs. Aucune étude stratigraphique n’a été faite en amont et les archéologues perdent ainsi de précieuses informations sur les périodes d’occupation des sites.
Plusieurs archéologues afghans ont signalé que cette région faisait déjà l’objet de fouilles illicites avant l’arrivée des talibans, ce que confirme Gil Stein. Par ailleurs, les archéologues afghans affirment que, dans la région de Balkh, aucune fouille ne pouvait se faire sans l’accord de « milices locales », et qu’il faut des moyens financiers conséquents pour louer des bulldozers : tout indique que ce trafic est le fait de groupes criminels structurés. Plusieurs pièces volées sur des sites afghans ont été repérées par des experts dans des villas privées du pays, voire dans des hôtels : c’est donc un véritable réseau qui opère à l’échelle régionale. Face à ces révélations, les talibans ont répliqué avoir créé une équipe spécialisée de 800 hommes pour lutter contre ces pillages, et ils mettent en avant de récentes arrestations de trafiquants. En gage de bonne foi, ils rappellent qu’ils ont rouvert le Musée national d’Afghanistan à Kaboul. Devant l’ampleur des pillages, les archéologues ne sont pas convaincus.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Des images satellites révèlent la destruction du patrimoine afghan
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°629 du 15 mars 2024, avec le titre suivant : Des images satellites révèlent la destruction du patrimoine afghan