La question du respect des clauses attachées au legs d’un donateur, au centre de la polémique qui a secoué la Fondation Barnes, a ressurgi en Écosse. Après la décision d’une commission parlementaire et contrairement aux dernières volontés de Sir William Burrell, sa collection va pouvoir être prêtée à l’étranger. La famille parle de trahison, tandis que certains s’interrogent sur les conséquences d’un tel précédent.
GLASGOW - Les pièces de la collection Burrell à Glasgow pourront partir en prêt à l’étranger, contrairement aux dernières volontés du donateur William Burrell. Mort en 1958, le magnat des transports avait, dès 1944, légué à la ville de Glasgow sa collection personnelle de 9 000 œuvres, sous deux conditions : un musée moderne devait être construit à Pollock Park pour accueillir ses trésors, qui ne devaient jamais quitter le pays.
Depuis 1992, le conseil municipal cherchait à abolir cette dernière disposition, arguant qu’elle datait d’une époque où les transports d’œuvres d’art étaient encore incertains. En outre, toujours selon la Ville, le fonds Burrell est aussi important que les collections nationales, auxquelles cette restriction n’a pratiquement jamais été imposée. La possibilité de prêts permettrait de rehausser le prestige international du musée et de Glasgow, délaissés ces derniers temps par les visiteurs. Les exécuteurs testamentaires de Sir William protestent que les désirs du donateur étaient clairs et dénués de toute ambiguïté.
Les quatre commissaires parlementaires chargés de l’affaire, tous pairs héréditaires écossais, ont finalement admis l’argument de la municipalité : le maniement et le transport des œuvres d’art se sont nettement améliorés depuis les années 1940-1950. “Nous sommes donc prêts à accepter certaines modifications, sous réserve de solides garanties. Surtout pour les objets fragiles. Pastels, tapisseries, tapis, broderies, dentelles et autres textiles ne pourront plus, comme auparavant, circuler au sein du territoire britannique.” Des conditions spéciales seront également exigées selon l’importance et la durée du prêt. La commission regrette pourtant que ne se soit pas établie, “entre le conseil municipal et les exécuteurs testamentaires, une coopération garantissant l’intégrité et la bonne conservation de la collection. Ceci dans l’intérêt des habitants de Glasgow et selon le désir de Sir William.”
Inquiétudes et passions
Le débat et le verdict ont déchaîné les passions, bien au-delà des parties directement concernées. Neil MacGregor, directeur de la National Gallery, s’est fait le défenseur du conseil municipal. Il a relevé l’existence d’un précédent qui avait permis le prêt d’une collection d’art malgré les termes du legs, et a cité quatre articles invoqués au cours des 115 dernières années dans des situations analogues. Au contraire, le millionnaire et philanthrope Sir Denis Mahon a tenu à montrer son désaccord. Sa déclaration écrite ayant été rejetée, il a effectué le voyage depuis Londres jusqu’en Écosse, malgré ses 86 ans : “Il est pour moi essentiel de respecter des conditions acceptées librement. Si Glasgow passe outre, je crains que ce geste ne décourage d’éventuels donateurs.” Ruth Mackenzie, la nièce de Sir William et la plus âgée de ses descendants vivants, renchérit : “Cette décision nous apparaît à tous comme une faute grave. Elle est contraire aux clauses du testament et permet l’éparpillement de la collection. Cela va créer un très mauvais précédent pour les autres donations. Mon oncle serait horrifié. Je me sens trahie par le conseil municipal de Glasgow qui n’a pas tenu parole.” D’ailleurs, Henry Kelly, président de la Scottish Pottery Society, a déclaré qu’il ne donnerait pas sa collection de céramiques et de peintures à la Ville. C’est le Hunterian Museum de l’université de Glasgow qui en bénéficiera.
Du côté institutionnel également, on s’inquiète des conséquences du verdict. Sir Nicholas Goodison, président du National Art Collection Fund, s’avoue navré : “L’avenir des dons et legs à nos musées et galeries repose sur la confiance des collectionneurs. Ce lien essentiel entre donateur et destinataire a ici été rompu.” Mêmes réactions à la Commission des musées et galeries, un organisme de conseil auprès du gouvernement sur la politique muséale. Son directeur, Timothy Mason, estime que “si les circonstances exigent des modifications dans les termes du testament, cela doit être fait en accord avec la famille ou les exécuteurs testamentaires”.
L’un de ces derniers, Colin Donald, reconnaît qu’il aurait souhaité voir la municipalité déboutée catégoriquement. “Mais une voie médiane a été atteinte. Le verdict est un compromis. Il y en a un peu pour tout le monde. À nous d’agir au mieux avec cela.”
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Des clauses non respectées… pour la bonne cause
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°49 du 5 décembre 1997, avec le titre suivant : Des clauses non respectées… pour la bonne cause