Pilotage incertain, instabilité des programmes, insincérité des budgets : la Cour des comptes épingle les grands travaux du ministère de la Culture et de la Communication.
PARIS - Après un premier audit, daté de 2001, qui avait fustigé la politique immobilière du ministère de la Culture et de la Communication (lire le JdA n°233, 17 mars 2006, p. 5), la Cour des comptes poursuit ses investigations en consacrant un rapport thématique aux grands travaux pilotés par la Rue de Valois. Fruit d’une année d’étude, ce document dresse le bilan d’une décennie d’opérations chiffrées à 2,27 milliards d’euros, soit près de la moitié des crédits d’investissements du ministère de la Culture et de la Communication. Les conclusions de la juridiction chargée de la régularité des comptes publics sont accablantes. Sur la soixantaine d’opérations passées au crible, l’allongement des délais (2 ans en moyenne) et le non-respect des enveloppes budgétaires sont, en effet, quasiment systématiques. Au rang des surcoûts records figurent, entre autres, les travaux du Musée du Quai Branly ( 42 %) et ceux de la Cité de l’Architecture et du Patrimoine ( 52 %), ou encore la première phase des travaux de restauration du Grand Palais ( 71 %). « Cette politique n’est plus tenable, a martelé Philippe Seguin, premier président de la Cour des comptes, car elle nuit aux autres missions du ministère, notamment à l’entretien du patrimoine monumental. » D’après les magistrats, les sommes affectées au patrimoine ont trop souvent servi de « variable d’ajustement » des crédits d’investissement du ministère. « 70 % de la ressource des privatisations allouée en 2006 par le parlement à l’entretien du patrimoine monumental ont été absorbés par les grands travaux », a rappelé Jean Picq, président de la 3e chambre de la Cour des comptes (voir le JdA n°243, 22 septembre 2006, p. 3).
Évitant de s’en tenir à un simple constat, les magistrats se sont attachés à identifier les causes de ces dérapages. Arrivent en premier lieu la faiblesse des outils de pilotage, le manque de suivi opérationnel et l’absence de stabilité des programmes, souvent modifiés au gré des changements de personnes. « Trop d’opérations sont lancées sur la base d’hypothèses fragiles et d’estimations sommaires. Les budgets sont souvent sous-évalués afin d’obtenir un accord budgétaire favorable », remarquent les auteurs du rapport. Le cas des travaux du Quadrilatère Richelieu, site historique de la Bibliothèque nationale de France, à Paris, est significatif : lancé en 2006, le coût du chantier a été estimé à partir de devis en valeur 2002, la seule actualisation des prix générant un surcoût de 15 millions d’euros ! La Cour des comptes estime donc que depuis 2005, ce sont quelque 250 millions d’euros qui ont ainsi été absorbés par des dépassements. Plusieurs programmes paient déjà ces dérives, en étant suspendus depuis quelques mois, au premier rang desquels le Musée national des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée de Marseille (Mucem), dont les retards successifs, en alourdissant la facture, grèvent inévitablement le lancement.
Rendu public le 12 décembre 2007, ce rapport a suscité plusieurs réactions. Les responsables du Musée du Quai Branly, ouvert avec 2 ans de retard et 86 millions d’euros de dépassements, contestent, en effet, les chiffres avancés par la Cour. Dans un communiqué, ces derniers précisent que « l’écart calculé par la Cour des comptes compare un préprogramme fixé en 1998, avant même la création de l’établissement public, et qui ne comprenait que le béton et le transport des œuvres, au coût complet en 2006 de l’ensemble des chantiers, coût qui s’entend dans un périmètre extrêmement large bien au-delà des seules limites de la construction du musée. » Une partie de ce coût aurait, par ailleurs, été financée par des ressources propres (24 millions d’euros) qui n’auraient donc pas pesé sur le budget de l’État. Quant à la ministre de la Culture et de la Communication, Christine Albanel, elle n’a pas daigné adresser de réponse circonstanciée aux magistrats, comme le réclame pourtant l’usage, préférant feindre de répondre aux journalistes dans le cadre d’une conférence de presse improvisée. Gageons que la réorganisation annoncée des services du ministère de la Culture et de la Communication sera l’occasion d’une remise à plat de la gestion de sa politique de grands travaux.
Les Grands chantiers culturels, rapport public thématique de la Cour des comptes, décembre 2007, 180 pages.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°272 du 4 janvier 2008, avec le titre suivant : De si chers équipements