À Genève, le Musée Rath présente les arts fascinants des peuples du Mexique. L’exposition rassemble plus de 400 pièces précolombiennes prêtées par des musées européens et de grands collectionneurs, et constitue un vaste panorama des cultures de la Mésoamérique avant la conquête de Cortés, des Mayas aux Toltèques et aux Aztèques, en passant par El TajÁn et le site de Monte Albán, pour inclure enfin les peuples de la côte du Pacifique.
Sous l’égide du Musée d’art et d’histoire de la Ville de Genève, “Mexique, terre des dieux. Trésors de l’art précolombien” réunit au Musée Rath plus de 400 œuvres, qui brossent un tableau très complet de trois millénaires d’héritage artistique au Mexique pris dans son acception première, englobant le Guatemala et le Honduras. Le visiteur y trouvera des chefs-d’œuvre représentatifs des cultures amérindiennes : Mayas, Aztèques, Olmèques, Huaxtèques, Mixtèques, peuples de Teotihuacán, Monte Albán, El Tajín, ainsi que de l’“Occidente” sur la côte du Pacifique, avec les potiers de Colima, Jalisco et Nayarit, et les tailleurs de pierre du Guerrero. 120 pièces de l’art Mezcala font l’objet d’une présentation inédite : ces figurines en pierre dure, aux formes dépouillées et patiemment polies, constituent un chapitre méconnu du monde précolombien. Événement culturel important, l’exposition a été montée avec la collaboration de dix musées européens – Barcelone, Berlin, Bordeaux, Bruxelles, Cologne, Genève, Leyde, Schaffhouse, Vienne, Zurich – et de quarante collectionneurs privés. Le catalogue, dans lequel tous les objets sont reproduits en couleur, a été réalisé par une équipe de quinze spécialistes et historiens de l’art qui font le point des connaissances actuelles sur l’art mésoaméricain.
L’originalité de l’Amérique
En présence de certaines œuvres produites par les peuples précolombiens, l’homme moderne peut être frappé par un immédiat sentiment d’empathie fondée sur la beauté. Il s’en dégage une vigueur esthétique bouleversante, une capacité à exprimer la perfection, la pureté, l’exaltation d’un idéal qui rend ces créateurs d’outre-Atlantique très proches de nous. D’autres aspects, en revanche, déroutent et peuvent provoquer une sorte de répulsion, en raison de leur violence et de la brutalité qui s’y exprime. Tout l’art mexicain est dans ce contraste. Mais, pour l’essentiel, les créations des Précolombiens s’affirment d’emblée comme un art original et fortement typé.
Malgré les siècles qui nous séparent et les différences culturelles existant entre notre monde et le milieu qui a vu naître ces sculptures, ces reliefs, ces vases, ces visages de divinités ou de souverains, de telles œuvres nous parlent. Elles nous émeuvent par leur humanité, où l’on reconnaît aussi bien l’exaltation mystique que l’effroi devant l’existence. Pourtant, entre les hommes de la Mésoamérique et nous, il existe des gouffres qui pourraient séparer des acteurs aussi différents de l’aventure esthétique : l’environnement est souvent incomparable, les données quotidiennes n’ont guère de point commun avec l’âge moderne, ni même avec les vieilles civilisations du Proche-Orient et de l’Asie, telles que l’Égypte, la Mésopotamie, l’Inde ou la Chine.
En réalité, les cultures qui ont fleuri en Amérique ne doivent rien à l’Ancien Monde. On ne répétera jamais assez que, si le peuplement du continent américain s’est fait à partir de la Sibérie entre 45000 et 10000 avant notre ère, le bagage culturel des arrivants était celui de chasseurs-cueilleurs antérieurs à la révolution néolithique. Il faudra que ces premiers hommes du Nouveau Monde inventent ex nihilo la vie des peuples sédentaires. Ils devront accomplir par eux-mêmes les progrès technologiques que suppose l’existence rurale.
Ils inventeront l’horticulture, puis l’agriculture et ses compléments que sont le drainage et l’irrigation. Ils concevront la céramique et le tissage, créeront l’habitat villageois puis urbain, l’art et les formes d’expression de la pensée religieuse. Dès lors, ils développent des rites, des structures sociales ainsi que des sciences élaborées, en particulier un calendrier astronomique complexe, s’accompagnant parfois de formes d’écriture savantes et de connaissances mathématiques.
Dans tous ces domaines, les Précolombiens ont progressé totalement seuls, sans avoir subi aucune influence du Vieux Monde. C’est pourquoi il existe une spécificité absolue des sociétés amérindiennes. Ces caractères distinctifs qui englobent toute la Mésoamérique – l’Amérique du Sud offre des variantes importantes – constituent le “fond commun” de ces peuples. Il repose autant sur les ressources naturelles à l’échelle du continent que sur les progrès dus à ces populations qui offrent, sur toute l’aire mésoaméricaine, des constantes analogues. Quel est ce fond commun sur lequel s’édifient les sociétés précolombiennes et qui va régir les formes d’expression de chaque culture ? L’environnement, avant même d’être modifié par l’homme, a modelé l’homme ; la nature l’a transformé en fonction des produits du sol, des espèces animales et des plantes présentes sur le continent. Végétation, mammifères et oiseaux seront ensuite domestiqués, apprivoisés, adaptés aux besoins des habitants par sélection, hybridation et croisement
L’absence de culture pastorale
Or l’Amérique n’offre qu’une gamme limitée de plantes vivrières et d’animaux à domestiquer. Ni blé, ni seigle, ni riz, d’une part, ni bœufs, ni chevaux, ni ovins, ni caprins, d’autre part, n’existent sur ces terres séparées depuis des dizaines de millénaires du continent eurasiatique. Ce dont disposent les populations amérindiennes se limite, parmi les végétaux de base de la nourriture quotidienne, au maïs – outre la courge, le haricot noir, la tomate et le piment – et, pour les espèces animales domestiquées, au chien, au dindon, au canard et à l’abeille. Des lacunes profondes affectent donc le monde précolombien. D’emblée, on s’aperçoit qu’y est absent tout un pan essentiel existant sur le continent eurasiatique : la culture pastorale. Les Précolombiens ignorent les troupeaux qui, ailleurs, fournissent la viande et la laine, ainsi que les laitages, les fromages... Ils ne possèdent pas d’animaux de trait, de bât ou de monte, tels que le cheval ou l’âne, importants auxiliaires de l’homme. Il manque donc ici une phase capitale de l’évolution humaine, éclose chez les peuples pasteurs semi-nomades.
Sur le plan technologique, on note également d’importantes lacunes chez les Précolombiens. La charrue n’existe pas – elle est remplacée par un simple bâton à fouir –, et tous les instruments à axe rotatif sont inexistants : la roue est inconnue, hormis pour quelques jouets ; le tour du potier n’est pas représenté, ce qui implique que la technique se limite au colombin ou au travail au moule. Enfin, en Mésoamérique, l’apparition de la métallurgie n’est guère antérieure au Xe siècle et provient de la région andine (Colombie, Équateur). Elle ne comporte, d’ailleurs, que le travail de l’or et du cuivre – à des fins de parure –, à l’exclusion des métaux utilitaires tels que le bronze et le fer. L’outillage reste donc, pour l’essentiel, de type lithique (silex et obsidienne).
En dépit de ces lacunes, force est de constater que les Précolombiens de l’Amérique moyenne disposent d’atouts remarquables. Ainsi les Mayas usent-ils d’une écriture hiéroglyphique dont on achève aujourd’hui le déchiffrement, et d’un outil mathématique avancé qui se fonde sur un système vicésimal et positionnel faisant appel à la notion du zéro pour la transcription des nombres. Ce système, qui précède de plus d’un demi-millénaire l’introduction du zéro en Occident, a permis le recours aux grands nombres – qui auraient rebuté Grecs et Romains –, en particulier dans les calculs relatifs au calendrier astronomique où ils font appel aux moyennes mathématiques et aux techniques de la statistique.
Malgré ces retards et ces avancées spécifiques, ce qui frappe, dans les cultures de la Mésoamérique, c’est leur cohérence. Elles comportent toutes des éléments communs : l’agriculture du maïs, la pratique de rites et de cultes semblables, fondés sur un calendrier et une mythologie offrant de grandes parentés, la construction de plates-formes ou de pyramides surmontées de temples, l’existence d’un “sport sacré” – le jeu de pelote – en usage depuis les déserts de Sonora jusqu’aux forêts pluviales du Guatemala et du Honduras. Ce fond commun confère aux sociétés de l’Amérique moyenne leur identité et leur unité.
En revanche, par rapport au Vieux Monde, il existe comme un hiatus qui devrait induire une incompréhension mutuelle. Car lorsque les fondements même de la société et de ses ressources diffèrent, ne doit-il pas, logiquement, en découler des différences culturelles importantes ? Sur des bases aussi contrastées par rapport aux vieilles civilisations de l’Eurasie, il semblerait qu’aucun terrain d’entente ne puisse se trouver. Ces mondes sont-ils sans commune mesure ? Ces divergences fondamentales n’entraînent-elles pas des modes d’expression entre lesquels aucune relation rationnelle n’est possible ? Entre ces deux types de population, les concepts ne sont-ils pas affectés par une profonde et irrémédiable incommunicabilité ?
Le langage artistique
Pour quiconque attend des arts précolombiens qu’ils expriment des formes “classiques”, c’est-à-dire proches de la réalité, fût-elle naturaliste, idéaliste ou hiératique, il existe des exemples de statuaire ou de reliefs, voire de peintures, qui correspondent à cette approche. Ces œuvres constituent une voie d’accès au domaine amérindien : les arts des Mayas, avec leurs portraits, leurs stèles ou leurs fresques, nous livrent un monde guère différent, par la démarche et leurs modes représentatifs, de ceux de l’Égypte pharaonique ou de la Grèce antique.
Mais dans la plupart des autres formes d’expression de l’Amérique moyenne, on perçoit une volonté d’expressionnisme qui prend ses distances avec la réalité. L’art n’est plus “imitatif” : il suggère plutôt qu’il ne reproduit. Une telle conception, si elle était encore mal comprise au XIXe siècle en Occident, fait de nos jours partie de l’évolution esthétique qui s’est affirmée sous l’influence des arts tribaux de l’Afrique et de l’Océanie, que l’ethnographie et des artistes comme Gauguin, Picasso, Nolde ou les surréalistes se sont efforcés de mettre en lumière et de valoriser.
Du même coup, la porte des arts précolombiens s’est ouverte, au point qu’il n’est plus légitime aujourd’hui d’exclure du Louvre, en les reléguant dans des musées d’ethnographie, les œuvres du continent américain antérieures à la Conquête... et bien d’autres modes d’expression qui devraient prendre place dans ce “Panthéon” des arts. Car seuls les aléas de l’histoire et la genèse des collections royales – égyptiennes, babyloniennes ou assyriennes – expliquent l’existence de ces cloisonnements contingents et artificiels. Depuis un siècle donc, d’abord lentement puis avec de plus en plus d’assurance, les créations du Mexique mais aussi du Pérou pénètrent dans ce vaste patrimoine de l’humanité qui se décline sous l’appellation “art”. Et le terme “primitif” qui leur a longtemps été accolé, comme pour les distinguer du “grand art”, n’est désormais plus de mise. Les œuvres des Olmèques, des Aztèques, celles des habitants de Teotihuacán ou du Tajin, des régions de Colima, Nayarit ou Jalisco, les statuettes polies des gens de Mezcala, les céramiques polychromes de Chupicuaro... sont entrées de plain-pied dans le concert des créations mondiales. L’exposition “Mexique, terre des dieux” le démontre pleinement. Pour les Précolombiens comme pour l’art tribal, ni les différences dans le degré d’acculturation, ni les caractères de l’environnement, ni l’avancement des connaissances ne parviennent à entamer l’unité d’une humanité qui tente, par les arts, d’échapper à sa condition mortelle, à sa finitude temporelle.
Il n’est pas simple de rendre compte d’une multitude de cultures et de “styles” telle qu’en offre la Mésoamérique à travers ses arts précolombiens. L’exposition de Genève, en réunissant une palette très variée d’œuvres issues des horizons les plus divers – Olmèques, Mayas, Huaxtèques, Mixtèques, pièces de Teotihuacán, de Monte-Alban, du Tajin, productions de Colima, de Nayarit, de Jalisco, de Chupicuaro, du Veracruz, ou de Mezcala (avec un choix très large des différents types de sculpture sur pierre dure polie) – fournit un éventail d’une richesse exceptionnelle.
On y trouve aussi bien de la céramique polychrome, de la statuaire votive que de grandes stèles sculptées, des bijoux, des parures, des instruments de culte ou des masques funéraires, qui permettent d’apprécier la multitude des thèmes dont se nourrit, durant trois millénaires, l’inspiration les artistes du Mexique ancien. Car les milieux dont sont issues les œuvres varient autant que leur degré d’évolution. Certains peuples émergent dans le cadre inhospitalier et humide des marais du Golfe : les Olmèques, tôt établis (vers 1500-1200 av. J.-C.) à La Venta, Tres Zapotes ou San Lorenzo, célèbres pour leurs têtes colossales pesant de 12 à 30 tonnes qui ne peuvent évidemment pas figurer à Genève. À défaut, l’apport artistique olmèque y est illustré par de beaux masques, des statuettes de pierre dure d’une admirable stylisation et des céramiques archaïques.
Parmi les cultures classiques, on citera les principales. Sur les hauts plateaux, certaines offrent un urbanisme rigoureux, orthogonal, et abritent un nombreux clergé au service d’une théocratie toute puissante : c’est le cas de Teotihuacán, au nord de Mexico, avec ses énormes pyramides du Soleil et de la Lune, ses avenues rectilignes, ses enceintes sacrées, ses palais et leurs fresques. Chez les Zapotèques de Monte-Alban, près d’Oaxaca, ce sont des acropoles où s’épanouit une architecture altière comportant une haute esplanade bordée de temples qui domine trois vallées, et où reposent, dans des tombes à chambres, des urnes funéraires aux effigies divines veillant sur les défunts. Enfin, à El Tajín, au Veracruz, une vaste métropole couverte de pyramides noyées dans la végétation tropicale abrite plusieurs jeux de balle où se déroulaient les rituels sanglants de ce “sport sacré” : comme le représente un bas-relief justement célèbre, on sacrifiait le vaincu aux dieux en lui arrachant le cœur. De là proviennent les accessoires du jeu, tels que jougs de pierre, hachas, palmas, qui comptent au nombre des chefs-d’œuvre de la sculpture du Mexique.
Parmi les cités importantes, on mentionnera enfin les superbes capitales mayas de la brousse et de la forêt pluviale – Tikal, Palenque et Yaxchilán, d’une part, Uxmal, Kabah, Sayil, Tulum ou Chichén Itzá, d’autre part –d’où provient un art d’une admirable humanité. Il se distingue par son harmonieuse perfection, tant dans la sculpture des stèles et la statuaire de stuc que dans le décor des vases historiés en terre cuite. Les Mayas, ces Grecs du Nouveau Monde, avec leur écriture hiéroglyphique et leur astronomie capable de déterminer les cycles de la lune ou de la planète Vénus à une poignée de secondes près grâce à un recours aux grands nombres et aux observations indéfiniment répétées, marquent l’apogée de la pensée des Précolombiens.
Les autres sites, même s’ils ne comportent pas toujours de véritables ensembles urbains, n’en contribuent pas moins à l’image protéiforme des arts amérindiens. Ainsi les peuples de l’”Occidente” – céramistes de Jalisco, Colima et Nayarit, d’un côté, tailleurs de pierre du Guerrero et de Mezcala, de l’autre – sont renommés pour leur terres cuites animalières ou anthropomorphes, et pour leurs figurines de diorite patiemment usées et polies qui donnent de l’homme une schématisation très dépouillée, dont l’abstraction fait songer aux idoles cycladiques.
À la veille de la conquête par les troupes de Cortés qui débarquent en 1519 sur la côte du Veracruz, près de Cempoala, le monde amérindien du Mexique a enfin trouvé son unité sous la houlette de l’impérialisme aztèque. Les Aztèques, ces guerriers nouveaux venus sur les hauts plateaux du Mexique central, fondent leur capitale Tenochtitlán sur des îlots du lac de Texcoco. De là, au XVe siècle, leur expansion les conduit à “coloniser” l’ensemble des cultures avancées du monde mexicain, à l’exception des cités mayas, déjà sur le déclin depuis près d’un demi-millénaire.
Une organisation militaire
La civilisation aztèque, la seule au Mexique que les Européens aient vue dans tout son éclat et dont les récits des Conquistadores laissent des descriptions éblouies – Bernal Díaz del Castillo compare Tenochtitlán à la ville de Venise ! –, bénéficie des apports de toutes les populations soumises : artisans, tisserands, sculpteurs, orfèvres, peintres de codex, lapidaires contribuent à la splendeur de la capitale. Héritiers des Toltèques de Tula, les Aztèques, qui parlent le nahuatl comme leurs prédécesseurs, ont encore accentué le caractère militaire de l’organisation du pays : les ordres des Aigles, des Jaguars et des Coyotes constituent une hiérarchie puissante, obéissant à des impératifs religieux sanguinaires. En effet, l’ordre cosmique implique que les dieux soient sans cesse honorés par des sacrifices humains. Il en résulte une politique de conquête fondée sur le besoin de se procurer les victimes qui seront immolées sur les pyramides lors des grandes cérémonies rythmant l’existence de la société aztèque. Ainsi, lorsqu’ils inaugurent l’ultime phase de construction du Templo Mayor à Mexico (Tenochtitlán), peu avant l’arrivée des Conquistadores, les Aztèques sacrifient quelque 22 000 prisonniers capturés à l’occasion de la “guerre fleurie”. Ces victimes sont offertes aux dieux honorés sur le double sanctuaire consacré à Huitzilopochtli – ou “couteau sacrificiel” –, le dieu tribal figurant le soleil au zénith dont le saint des saints se dresse à gauche de la pyramide, et à Tláloc, la divinité de la pluie et de la végétation dont le sanctuaire est érigé à sa droite. L’art officiel des Aztèques est celui d’une théocratie militaire fondée sur l’effroi, la puissance et l’exaltation des divinités terribles du panthéon mexicain. Il est donc logique qu’il s’exprime par des formes qui suggèrent l’angoisse et l’épouvante : Xochipilli, prince des fleurs, dieu de l’amour et de la danse, a l’air charmant mais, à y regarder de plus près, il porte un masque qui n’est autre que la peau du visage arrachée à une victime sacrificielle. La tête de l’énorme Coatlícue – “celle qui a une jupe de serpents” – découverte en 1790 à Mexico, est figurée par deux gueules affrontées d’ophidiens. Cihuateotl Ce Cuauhtli, la déesse des femmes mortes en couches, se tient accroupie, prête à bondir sur une victime. Enfin, le formidable monolithe de Coyolxauhqui, la déesse de la nuit et de la lune, mis au jour en 1978, incarne le corps démembré d’une femme dont bras et jambes sont entourés de serpents et qui porte à sa ceinture une tête de mort. Cet art participe donc d’un “terrorisme” culturel illustrant bien la mécanique sacrificielle hypertrophiée d’un peuple dont les excès ont plongé les compagnons de Cortés – pourtant “faits au feu” – dans la stupeur. Cet aspect terrifiant est parfois compensé par des êtres plus amènes : divinités de l’agriculture, dieu du maïs, simples travailleurs dont l’effigie est présente sous le nom de Macehualli dans l’enceinte du temple, donnent du monde aztèque une image moins sinistre. Il faut tenir compte du fait que la grande sculpture est tout entière le produit d’une esthétique officielle qui poursuit des visées hégémoniques et impérialistes. Les sociétés amérindiennes du Mexique ancien ayant œuvré dans des directions très diverses reflétant des concepts philosophico-religieux quelquefois déroutants, la présentation d’œuvres issues de ces civilisations ne peut que contribuer à une meilleure approche de ces arts fascinants.
8 octobre-24 janvier, Musée Rath, place Neuve, Genève, tél. 41 22 418 33 40, tlj sauf lundi 10h-17h, mercredi 12h-21h. Catalogue 298 p. grand format, 408 ill. couleurs.
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De la pureté à la violence, les contrastes de l’art précolombien
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°68 du 9 octobre 1998, avec le titre suivant : De la pureté à la violence, les contrastes de l’art précolombien