De discrets amateurs

Longtemps installé dans la banlieue de Strasbourg, avant de s’implanter à La Garde Adhémar, dans la Drôme, le galeriste et éditeur d’estampes contemporaines Éric Linard est l’un de ceux qui connaît le mieux le marché de l’art contemporain dans la région. Selon lui, trois types de collectionneurs y coexistent : 250 à 300 amateurs achètent des pièces entre 400 et 6 500 francs, une centaine investit de 6 000 à 20 000 francs, tandis qu’une quinzaine de collectionneurs acquièrent des œuvres dépassant les 100 000 francs. Ces derniers brillent d’ailleurs par leur discrétion. À Strasbourg, comme à Colmar du temps de la galerie Jade, la plupart d’entre eux ne fréquentent pas les vernissages. Ils disposent d’informateurs et concluent leurs acquisitions au petit matin, en catimini. Certains, installés dans un périmètre de 50 à 60 km autour de Strasbourg, essentiellement de grands industriels, consacrent de 500 000 à 1 million de francs par an à des collections qui sont parfois qualifiées de “très sérieuses”. Ancien collectionneur de la région de Colmar, Georges-Michel Kahn a ouvert il y a dix mois sa galerie face au nouveau Musée d’art moderne et contemporain. Éclectique, son programme comprend à la fois l’art des années cinquante et quelques jeunes artistes. D’après lui, il existe peu de collectionneurs d’art “vraiment contemporain” dans la région. Un conservatisme y reste de mise, à tel point que quelques-uns ont estimé “à la limite de la pornographie” un sage carton d’invitation (voir illustration) envoyé par la jeune galerie Broglie. Enfin, les amateurs d’une certaine figuration se tournent volontiers vers la galerie Nicole Buck, l’une des plus anciennes de la place.