Corinne Diserens

Par Le Journal des Arts · Le Journal des Arts

Le 5 avril 2002 - 477 mots

Commissaire de la représentation française à la Biennale de São Paulo, Corinne Diserens revient sur les travaux d’Anri Sala et de Jean-Luc Moulène. Elle nous explique également le projet éditorial qui accompagne les expositions.

Jean-Luc Moulène et Anri Sala sont deux artistes de générations et de parcours différents. Pourquoi ce choix commun ?
Il ne s’agit pas d’établir une situation artificielle qui mette deux artistes dans un projet commun. Anri Sala et Jean-Luc Moulène ont évidemment une manière différente d’aborder et de transmettre le monde. Mais dans leur différence se forme un espace commun. Mon choix a beaucoup à voir avec cela : comment transmettre l’expérience du monde ? Comment des regards s’arrêtent sur des moments particuliers des signes pour Jean-Luc, des impressions pour Anri ?

Parallèlement aux travaux de l’un et de l’autre, des contributions vont être publiées dans la presse locale pendant la durée de la Biennale. Est-ce une œuvre autonome des artistes ou un prolongement de leurs œuvres ?
Prolongement est le bon mot. C’est là où Anri et Jean-Luc se mettent ensemble, d’une manière fluide et non imposée. Nous publions en effet huit pages chaque semaine dans le supplément culturel du quotidien Valor Econômico. C’était là l’occasion de se frotter avec des méthodes et des réalités qui ne sont pas les nôtres. Avec les équipes concernées, nous ne parlions pas forcément la même langue, mais au moment du “faire”, les pratiques différentes se mettent ensemble.

À la fin de la Biennale, ces textes seront regroupés dans un catalogue commun. Pouvez-vous nous indiquer les directions éditoriales de ce projet mené par Jean-Charles Masséra ?
Dans le cadre où nous sommes, il était intéressant de donner d’autres paroles, dans un espace qui n’est pas seulement celui de la critique d’art. Ces pages sont regroupées sous le titre de Vista cançada. En brésilien, cela signifie une vue qui baisse, se fatigue, progressivement obstruée par des œillères. Nous avons donné quelques sujets aux auteurs, comme la représentation de l’individu dans le tout-commerce d’aujourd’hui, et la prise de parole dans un support comme Valor Econômico. Nous touchons là à une réflexion sur l’hégémonie économique, mais toutes les contributions ne sont pas sur ce sujet. Nous ne proposons pas une voie radicale, mais nous avons trouvé un espace pour celle-ci. Nous allons ainsi publier un entretien avec Noam Chomsky, des textes de Manuel Joseph, Jean-Pierre Rhem ou encore la réédition d’une nouvelle de J. G. Ballard. Dans le dernier supplément, on trouvera un texte d’Edi Rama, l’actuel maire de Tirana qui a par ailleurs été, avant Anri, le seul artiste albanais à participer à la Biennale. Son texte sera accompagné d’un travail photographique d’Anri, réalisé il y a une dizaine d’années lors de la parution des premiers journaux libres en Albanie. Cela parle de la presse mais aussi des mouvements des corps face à cet objet dans la ville.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°146 du 5 avril 2002, avec le titre suivant : Corinne Diserens

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