Une spectaculaire exposition de dix-sept sculptures monumentales de Salvador Dali a été annoncée place Vendôme, du 31 mai au 20 août. Mais l’origine des pièces présentées par l’Espace Dali et la Fondation Stratton semble pour le moins obscure.
PARIS - Le grand perturbateur aurait été content. Le projet d’exposition de “ses” sculptures, Vénus spatiale, Femme en flammes, et autre Alice au pays des merveilles, place Vendôme, a provoqué embarras et confusion. L’authenticité des bronzes proposés par la Fondation Stratton et l’Espace Dali ne semble pas faire l’unanimité, et le Comité Vendôme, association regroupant joailliers et banquiers du quartier, a été plongé dans la perplexité.
Principale instigatrice de l’événement : la Fondation Stratton, qui s’est donné pour mission de faire connaître, par le biais d’expositions internationales, l’œuvre sculpté de Salvador Dali. “Ces bronzes sont de véritables sculptures originales, affirme son président, Benjamino Levi. Pour certaines d’entre elles, je me suis rendu personnellement à Figueras afin que Dali corrige les épreuves”.
Pour étayer ses affirmations, il brandit les certificats d’authenticité de l’ancien secrétaire et expert de Dali, Robert Descharnes. Mais un certificat de Robert Descharnes peut-il encore être considéré comme probant ? L’accord signé avec l’artiste en 1986, qui lui confiait la gestion de ses droits patrimoniaux via la société Demart pro arte, a été dénoncé par l’État espagnol en 1994.
Les autorités ibériques lui reprochaient, entre autres irrégularités, l’absence de bénéfices en faveur de la Fondation Gala-Dali, administratrice de la succession de l’artiste. Cette fondation, basée à Figueras, gère désormais les droits du peintre. Elle a exclu à l’unanimité Robert Descharnes de son conseil d’administration à l’automne 1994 (lire le JdA n° 8, novembre 1994).
Dali avait l’habitude d’établir des contrats, le plus souvent rédigés par ses secrétaires, pour confirmer la vente des droits de reproduction de ses œuvres. Ceux de la Fondation Stratton ne sont pas connus. Margarita Ruiz Combalia, chargée de mettre au clair la succession épineuse du peintre à la Fondation Gala-Dali, nous indique avoir prié, sans succès, Benjamino Levi de lui faire parvenir ces contrats. Elle s’est déclarée en conséquence très réservée quant à la nature de ces bronzes.
Neuf des dix-sept sculptures, avance Benjamino Levi, auraient été créées à partir de dessins de l’artiste et avec son accord. Dans ces conditions, peut-on encore parler de sculptures originales ? La majeure partie des pièces présentées ont en effet été réalisées dans les années quatre-vingt, époque où Dali, moribond, avait du mal à tenir un crayon et pouvait encore moins façonner un moule ou retoucher une épreuve.
L’Espace Dali, à deux pas des attrape-touristes de la place du Tertre, géré par l’entourage de Benjamino Levi, attend sans doute des retombées financières d’une telle exposition. Véritable supermarché du produit dalinien, il offre à la vente de nombreux bronzes d’édition du maître catalan : un Homme-oiseau pour 24 000 francs ou un Éléphant spatial pour 100 000 francs par exemple. Condamné pour contrefaçon et concurrence déloyale en 1994 par le Tribunal de commerce, l’Espace Dali expose d’une manière permanente les sculptures “originales” de la Fondation Stratton.
1982 : Établissement du testament définitif de Dali : l’État espagnol est le légataire universel de l’artiste.
3 juin 1986 : Dali cède ses droits patrimoniaux jusqu’en 2004 à la société Demart pro arte, dirigée par Robert Descharnes.
23 janvier 1989 : Mort de Salvador Dali.
Septembre 1994 : L’État espagnol dénonce l’accord Descharnes-Dali et confie la gestion des droits à la Fondation Gala-Dali de Figueras. Robert Descharnes est exclu du conseil d’administration de la Fondation.
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Confusion surréaliste place Vendôme
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°15 du 1 juin 1995, avec le titre suivant : Confusion surréaliste place Vendôme