Conflit Israël-Hamas, Art Censorship Index recense les cas de censure aux États-Unis

États-Unis. Dès le 8 octobre 2023, des dizaines d’événements culturels ont été annulés à travers le monde, par respect pour les victimes de l’attaque du Hamas. Dans les semaines suivantes, les annulations ont continué mais les raisons se sont révélées plus politiques : bien souvent c’était l’opinion exprimée par les artistes sur le conflit entre l’armée israélienne et le Hamas. Pour le collectif National Coalition Against Censorship (NCAC), il est nécessaire de garder une trace de ces cas de « censure » : la NCAC lutte en effet pour la liberté d’expression aux États-Unis dans les milieux culturels et universitaires. Ces milieux seraient-ils plus enclins que d’autres à censurer la parole des artistes et des intellectuels ? La directrice de la NCAC, l’avocate Lee Rowland, explique au Journal des Arts que « peu après l’attaque horrible du Hamas le 7 octobre, la NCAC a noté une augmentation des plaintes venant d’artistes dont des œuvres avaient été exclues d’expositions suite à leurs commentaires publics sur le conflit Israël-Palestine ». La NCAC a donc décidé de créer une cartographie et un index des incidents car « une partie du travail de notre organisation est de documenter les tendances du mouvement de censure dans le milieu de l’art », explique Lee Rowland.

Cependant, tous les incidents liés à ce conflit ne sont pas des cas de censure, et l’index a été établi selon des critères précis : il ne retient que les cas où une institution a annulé, retiré ou abandonné un programme ou une œuvre après avoir annoncé sa présentation. Ne sont pas pris en compte les cas où les artistes ont eux-mêmes modifié leur œuvre, ni ceux où les commissaires d’exposition ont exclu une œuvre en amont : la NCAC retient donc les cas où la responsabilité des institutions est engagée. Avec ces critères, l’index retient vingt-deux cas depuis le 7 octobre, sur tout le territoire américain. La ville de New York concentre à elle seule six cas, dont l’exclusion d’une œuvre de l’artiste Phil Garip contenant le slogan « from the river to the sea », (« de la mer au Jourdain »). En février 2024, les responsables de l’exposition à Urban Glass ont jugé qu’il s’agissait d’un « appel à la violence », car cette phrase peut être interprétée comme un effacement de l’État d’Israël. La même phrase a conduit à l’exclusion préalable d’une sculpture géante prévue au festival Burning Man (Nevada) en août 2024. Au Hunter College de New York, c’est le film documentaire Israelism qui a fait l’objet d’une annulation mi-novembre 2023 car il critique le soutien inconditionnel à Israël. Le film a finalement été diffusé en décembre, et entre temps il avait été projeté par un groupe d’étudiants à l’université de Philadelphie, malgré l’opposition de la direction de l’établissement.

Sur les vingt-deux cas de censure, la majorité concerne des œuvres ou des programmes exprimant des opinions pro-palestiniennes mais quelques cas concernent les soutiens d’Israël : le chanteur de reggae Matisyahu (juif hassidique) a ainsi vu ses concerts annulés en Arizona et au Nouveau Mexique en février 2024 pour des propos polémiques dénoncés par des groupes pro-palestiniens.

Le conflit au Proche Orient a cependant toujours suscité de vifs débats aux États-Unis, et Lee Rowland note que « l’apparition de la censure après une attaque violente n’est pas un phénomène nouveau aux États-Unis», citant le 11 septembre 2001 et la censure d’artistes musulmans. Elle insiste cependant sur l’importance pour la NCAC « d’archiver ce type de censure en temps réel » avec l’index, mais ne s’avance pas à faire une analyse du phénomène.