CARNAC
Au mois de juin, la destruction, lors de la construction d’un magasin de bricolage, d’un alignement de pierres datant du Néolithique a provoqué un vif émoi.
1. Diagnostic archéologique
En 2014, à Carnac (Morbihan), la SAS Au marché des druides souhaite construire un supermarché Super U sur la parcelle où se trouvent à l’époque les blocs de pierres. Le préfet de région prescrit un diagnostic archéologique, conduit par l’Inrap en mars 2015 sous la forme de huit tranchées. Ces sondages ne permettent pas aux archéologues de retrouver de vestiges. En revanche, les agents de l’Inrap s’intéressent à deux files de blocs en élévation, alors considérées comme des murets. Le rapport du diagnostic présente ces deux éléments comme des clôtures formées à partir d’une quarantaine de blocs néolithiques, probablement à sa place originelle pour la première file et déplacée pour la seconde. La conclusion du rapport contredit un rapport établi en 2015 par la Drac (direction régionale des Affaires culturelles) Bretagne, qui évoque le « caractère encore incertain, et dans tous les cas non majeur » de ces vestiges : « Seules des observations complémentaires sur les monolithes, voire une fouille, permettrait de certifier l’origine néolithique de cet ensemble qui pourrait au final s’inscrire en bonne place dans la cartographie des monuments mégalithiques locaux. »
2. Prescription de fouilles non exécutée
Ce rapport donne lieu, en 2015, à un arrêté de prescription de fouilles sur la parcelle, un préalable à la construction du supermarché. Mais la municipalité de Carnac refuse finalement d’accorder le permis d’aménager à la SAS Au marché des druides, en raison de la hauteur non réglementaire du bâti. Sans aménageur et sans travaux, la fouille n’est pas exécutée. En janvier 2022, la Ville modifie son plan local d’urbanisme pour inscrire une nouvelle opération d’aménagement, sur la même parcelle, cette fois pour un magasin Mr. Bricolage. Les orientations d’aménagement du document d’urbanisme mettent en évidence la présence d’une zone humide, mais pas celle de vestiges archéologiques. Le permis de construire est accordé en août 2022 à la SAS Au marché des druides, société promotrice du magasin de bricolage. La quarantaine de petits menhirs est détruite.
3. Permis d’aménager, permis de construire
Même parcelle, même municipalité, même aménageur : pourquoi la fouille prescrite en 2015 n’a-t-elle pas été exécutée en 2023 ? Une partie de la réponse réside dans la différence entre le permis d’aménager (ou de lotir) auquel était soumis le projet d’un Super U, et le simple permis de construire que nécessitaient les travaux du Mr. Bricolage. Un permis d’aménager (portant sur une parcelle de plus de 3 hectares, divisée en lots) est soumis à la Drac, conformément au code du patrimoine, tandis qu’un permis de construire ne l’est pas, sauf dans le cas où le projet concerne une zone de présomption et de prescription archéologique (ZPPA). La différence dans la demande d’autorisation de travaux, ainsi que l’absence du site dans les limites d’une ZPPA, sont les raisons pour lesquelles le potentiel archéologique du site a échappé à la Drac, huit ans après le diagnostic. Non informés des travaux, les services de l’État n’ont pas pu faire exécuter la prescription de fouilles de 2015.
4. Enquête pénale
Le 16 juin dernier, le parquet de Lorient ouvre une enquête pénale, faisant suite à une plainte déposée par une association locale de défense du patrimoine, rejointe par Sites & Monuments. L’enquête devra déterminer les responsabilités de chacun dans cette destruction patrimoniale, entre l’aménageur, la Ville et les services de l’État. L’enjeu est important, car le site fait partie du périmètre du bien dénommé « Les mégalithes de Carnac et des rives du Morbihan », qui comprend 557 monuments et est candidat en 2025 à l’inscription sur la Liste du patrimoine mondial de l’Unesco.
5. Zone de présomption archéologique
Pourquoi l’alignement de pierres n’était-il pas dans la zone de présomption et de prescription archéologique ? C’est l’une des questions que soulève cette destruction. Les services de l’État avaient pour objectif de placer chacun de ces 557 sites en ZPPA, une zone qui prescrit automatiquement aux aménageurs des recherches archéologiques sur site, avant tous travaux de nature à affecter le sous-sol. Les pierres dressées situées sur le chemin de Montauban, dans une zone d’activité, figurent par ailleurs sur la carte archéologique nationale, à partir de laquelle le préfet de région définit les ZPPA. Le fait que l’ensemble détruit n’ait pas été placé en ZPPA par les services de l’État a constitué une défaillance majeure. L’association Paysages de mégalithes, qui porte la candidature d’inscription, a pris acte de ce dysfonctionnement, et s’assure avec la Drac que chacun des autres sites du futur bien est désormais couvert par une ZPPA. Le calendrier de la candidature n’a pas changé, avec une proposition d’inscription pour 2025.
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Comprendre l’affaire des menhirs de Carnac
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°615 du 7 juillet 2023, avec le titre suivant : Comprendre l’affaire des menhirs de Carnac