Claude Viallat est resté fidèle au programme du mouvement Support-Surface.
Faire « la peinture » et non « de la peinture ».
Des monceaux de toiles ici et là, certaines en paquets empilés sur une étagère, d’autres étendues au sol ou au mur, toutes frappées d’un même signe coloré en forme d’osselet. Certains disent en forme de haricot. L’artiste, lui, n’a pas de préférence. Voilà bientôt quarante ans qu’il a choisi cette forme et qu’il s’y tient, l’appliquant en surface sur toutes sortes de tissus, selon des protocoles qui peuvent varier : empreinte, solarisation, teinture, etc. Dans son grand atelier à Nîmes, ville où il est né en 1936, il faut l’avoir vu déballer ses toiles sans ménagement, lesquelles sont pliées comme on le fait de draps, de serviettes ou de torchons, pour prendre l’exacte mesure du rapport que Claude Viallat entretient à la peinture et à l’idée d’œuvre. Viallat éprouve un tel amour pour la peinture qu’il a décidé de la vivre du dedans, dans l’intimité même de sa matérialité. Aussi la façon qu’il a de se saisir de ses toiles, de les déployer en les secouant pour les étaler au sol, voire de marcher dessus pour bien les mettre à plat, n’a rien d’iconoclaste – bien au contraire.
Établir un vocabulaire perceptible
Apparu à la fin des années 1960, le mouvement Support-Surface – dont Claude Viallat est la figure tutélaire – compte parmi les avant-gardes de cette époque qui s’en sont pris à la nature même de l’œuvre, s’interrogeant plus particulièrement sur son rôle et sa fonction, voire celle du peintre. « Le peintre n’a plus à justifier un savoir. Il n’est pas un illusionniste, un montreur de phantasmes, un fabricant d’images. Il lui faut à l’intérieur d’un langage spécifique parler une langue autre, en établir le vocabulaire immédiatement perceptible et les possibilités de communication. » Publié dans le catalogue de la première exposition du groupe au musée d’Art moderne de la Ville de Paris en 1970, ces paroles de Viallat en situent la position critique. Les temps n’étaient plus alors à penser l’art comme le lieu d’une projection figurative et/ou subjective ; ils se devaient d’être ceux d’une approche davantage matérialiste qui mette « en évidence le déroulement formel de l’exécution des peintures, c’est tout au moins ce que l’on dissimulait autrefois » (Marcelin Pleynet).
Plus qu’un autre, Claude Viallat est resté résolument fidèle à ces formules. Il n’a pas abandonné cette idée de faire non « de » la peinture mais « la » peinture, c’est-à-dire ne pas s’en servir mais la servir, lui laisser l’entière autorité en l’inventant sans cesse à partir d’un cahier des charges minimum. Peinture : définition et méthode, en quelque sorte. Le résultat est une œuvre éclatante, joyeuse et prospective qui n’est chaque fois ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre. Quel que soit le support sur lequel il applique sa forme – simple bout de tissu, écru ou non, composite ou non, toile de tente, de parapluie, militaire ou de cirque, voile de bateau… –, l’artiste n’a de cesse de décliner cette forme jusqu’à saturation du champ iconique selon un schéma en quinconce et une gamme chromatique qui confèrent à l’œuvre sa propre dynamique. Tout comme il en est de ces nombreux objets – cordes, filets, vieilles souches… – glanés ici et là qu’il investit dans la couleur.
« Claude Viallat », LE CATEAU CAMBRÉSIS (59), musée Matisse, palais Fénelon, 11 place du Commandant Édouard Richez, tél. 02 27 84 64 50, 12 mars-12 juin ; « Claude Viallat », TOULON (83), hôtel des arts et espace Pereisc, 236 boulevard du Général Leclerc, tél. 04 94 91 69 18, 23 avril-5 juin. « Claude Viallat, œuvres récentes », RENNES (35), galerie Oniris, 38 rue d'Antrain, tél. 02 99 36 46 06, 8 février-26 mars.
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Claude Viallat, la peinture sans fin
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°567 du 1 mars 2005, avec le titre suivant : Claude Viallat, la peinture sans fin