L’État en a fait un principe : il n’accepte pas le paiement de l’impôt en nature. Mais, comme pour toute règle, il existe des exceptions qui la confirment, ainsi celle qui permet notamment à tout héritier, donataire ou légataire d’acquitter ses droits de succession par la remise d’œuvres d’art, de livres, d’objets de collection ou de documents de haute valeur artistique ou historique. C’est grâce à cette législation que cinq œuvres exceptionnelles de Matisse, actuellement exposées au Centre Pompidou, viennent d’entrer dans les collections nationales.
PARIS - Les cinq nouvelles œuvres de Matisse, qui viennent d’entrer dans les collections nationales, sont issues de la succession de Marie Matisse (1914-1999). Veuve du fils aîné du peintre, Jean, elle a été de son vivant une grande donatrice pour les musées français, avec, en particulier, la donation Jean Matisse à l’État, en octobre 1978 – aujourd’hui déposée au Musée Matisse de Nice –, les donations Jean Matisse à la Bibliothèque nationale en 1978 et 1981, et des dons au Musée Matisse du Cateau-Cambrésis, au Musée de Pontoise et au Musée national d’art moderne.
La procédure de la dation permet à une commission interministérielle de “choisir” en quelque sorte les œuvres acceptées en paiement de l’impôt. Cette commission est actuellement présidée par Jean-Pierre Changeux, président de la commission interministérielle d’agrément pour la conservation du patrimoine artistique national, et comprend deux représentants du ministère du Budget, Clémentine Gustin-Gomez et André Barilari, et deux représentants du ministère de la Culture, Jean-Pierre Cuzin (chef du département des Peintures au Musée du Louvre) et Serge Lemoine (le nouveau directeur du Musée d’Orsay).
En l’occurrence, les cinq œuvres acceptées proviennent de différentes périodes du travail de l’artiste, puisqu’elles datent des années 1900 à 1944. À côté d’un fusain, le Faune charmant la nymphe endormie, et d’une huile sur toile, Jeune femme à la pelisse blanche, fond ocre (1944), une autre huile, Le Pont Saint-Michel (1900), préfigure, par la couleur et la facture, le Fauvisme. Le Nu rose assis (1935-1936) témoigne d’une recherche sur la simplification des formes, dans une veine qui mène vers l’abstraction, même si le peintre refusa toujours de franchir le pas. Datant de 1917, Lorette à la tasse de café se situe stylistiquement à un moment charnière dans l’œuvre du peintre, tenté à la fois par une géométrisation des formes de plus en plus grandes et par le retour à une certaine tradition, celle de la peinture d’après modèle. Là, Lorette, une Italienne qui pose pour lui à Nice pendant plus d’un an, entraîne le peintre vers une sensualité encore inédite dans son travail qui le conduira plus tard aux odalisques des années 1920.
La présentation de ces œuvres coïncide avec le nouvel accrochage des collections historiques du Musée national d’art moderne, qui propose cinq cent vingt pièces inédites sur sept cent vingt et une. À côté de salles monographiques consacrées par exemple à Rouault, Delaunay, Hélion, Picabia, Magnelli ou Bonnard, le musée invite à un parcours parmi le design et la création architecturale de “modernes” qui sont aujourd’hui sur le devant de la scène, à l’exemple de Charlotte Perriand ou de Jean Prouvé.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Cinq Matisse pour une dation
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°142 du 8 février 2002, avec le titre suivant : Cinq Matisse pour une dation