Christian Astuguevieille - L’affûteur des sens

Depuis ses ateliers pédagogiques à Beaubourg, en 1977, où il invitait les petits à imaginer des univers à partir d’une odeur étrange ou d’un son bizarre, il n’a de cesse d’émouvoir les sens, de rendre la peau aussi fine, aussi poreuse que possible pour instiller en nous le monde.
Lui-même a su conserver la sensibilité à fleur de peau des enfants. Petit garçon, cet artiste raffiné à l’allure de châtelain s’amusait à ouvrir les tiroirs à ficelles « qu’on trouvait alors dans toutes les maisons » pour fabriquer toutes sortes d’objets ou de pièges.

Devenu adulte, le voilà qui conçoit d’étonnants meubles en cordes de chanvre ou de coton semblant surgis d’un dessin enfantin, ou invente une civilisation imaginaire dont il réalise les objets du quotidien. Ou encore, pour Rei Kawakubo, créatrice de la ligne vestimentaire Comme des Garçons, il s’amuse à créer des parfums à faire se dresser les cheveux sur la tête à plus d’un parent – comme « Garage », qui évoque le cambouis et les vieux pneus… Pour La Piscine, il a inventé un parfum à humer devant un tableau de l’assassinat de Marat. « Avec cette odeur de sang et de métal, notre regard se fait plus intense », lance-t-il, les yeux plein de malice derrière ses lunettes rondes.