Le Long Museum ouvre un second espace sur fond de polémique concernant l’authenticité d’une œuvre.
SHANGHAÏ - Une odeur de peinture fraîche flotte sous les immenses voûtes en béton ; cafétéria et bibliothèque ne sont pas encore en service. C’est la Chine, tout doit aller très vite et on inaugure des bâtiments juste finis. Le grand cube du musée Long (« Dragon ») du quartier de Pudong à peine ouvert depuis un peu plus de deux ans, les « super-collectionneurs » Liu Yiqian et Wang Wei disposent déjà d’un second écrin pour leurs collections, cette fois dans un endroit tout à fait différent, aussi loin du centre-ville mais dans une sorte de nouveau corridor culturel en construction que ses promoteurs se plaisent à appeler le « West Bund ».
Les quelque 16 000 mètres carrés du « Long Museum West Bund » dédiés à la présentation des œuvres abritent en ce moment une exposition intitulée en anglais « Re-view ». Avec plus de 300 pièces de près de 200 artistes différents, celle-ci est assez éclectique, présentant à la fois des peintures traditionnelles chinoises et de l’art contemporain, dans une muséographie qui met notamment en valeur les réinterprétations modernes de modèles anciens. Si toutes les œuvres sont de qualité, issues d’une vingtaine d’années d’acquisition du couple milliardaire – chauffeur de taxi puis vendeur de sacs, Liu a fait fortune dans la finance dans les années 1990 –, le visiteur est d’abord frappé par la monumentalité des quatre étages de l’architecture, produit de l’architecte Liu Yichun de l’Atelier Deshaus, à mi-chemin entre un gigantesque hangar postmoderne et un mausolée impérial Ming.
Contrefaçon
L’œuvre qui attire le plus les visiteurs est une calligraphie au centre d’une polémique sur son authenticité qui occupe les sphères médiatiques chinoises depuis plusieurs semaines. Intitulée « Lettre d’adieu à Gongfu », elle est présentée comme étant du fameux calligraphe Su Shi (Xe siècle), et a été vendue près de 6 millions d’euros en septembre 2013 sous cette identification par Sotheby’s à New York. Cette attribution a été contestée par plusieurs chercheurs du Musée de Shanghaï, qui ont affirmé sur leurs blogues qu’il s’agissait d’une contrefaçon moderne. Alors que tous les observateurs informés du marché de l’art en Chine savent que la plupart des grandes collections chinoises contemporaines regorgent de faux – elles servent souvent à faire du blanchiment d’argent et à « produire » des pièces servant à corrompre politiques et fonctionnaires –, la médiatisation de cette polémique est analysée par certains comme un avertissement des autorités de l’État face à l’hubris et aux ambitions démesurées des super-collectionneurs privés. Quoi qu’il en soit, cette agitation médiatique a réussi à faire parler de l’ouverture du musée : autour de la calligraphie, des coupures de presse sur la polémique sont mises sous verre. Le titre chinois de l’exposition,(Emprunter au passé pour ouvrir aujourd’hui), semble prendre tout son sens.
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Chine, le plus grand musée privé
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°411 du 11 avril 2014, avec le titre suivant : Chine, le plus grand musée privé