Le 20 mai, le Musée d’art moderne de la Ville de Paris s’est réveillé en sursaut. Picasso, Matisse, Léger, Modigliani et Braque : cinq toiles de maître ont été dérobées pendant la nuit par un homme qui aurait agi seul, profitant d’une défaillance du système d’alarme. L’importance des œuvres dérobées et la facilité déconcertante du vol laissent penser à une opération de commande.
PARIS - Une baie vitrée démontée, un cadenas cisaillé et cinq tableaux de maître envolés. Le jeudi 20 mai à 6 h 50, les gardiens du Musée d’art moderne de la Ville de Paris (MAMVP) n’ont pu que constater la disparition de plusieurs chefs-d’œuvre de la collection municipale : Le Pigeon aux petits pois (1911) de Pablo Picasso, joyau du cubisme ; La Pastorale (1906), peinte par Henri Matisse dans les hauteurs telluriques de Collioure et léguée au musée en 1953 par le docteur Girardin ; L’Olivier près de l’Estaque (1906), apothéose de la période fauve de Georges Braque ; La Femme à l’éventail (1919), portrait de Lunia Czechowska, amie et confidente d’Amedeo Modigliani ; et Nature morte au chandelier (1922) de Fernand Léger. Le tout estimé autour de 100 millions d’euros.
Visible sur les enregistrements des caméras de surveillance, le malfaiteur cagoulé s’est directement dirigé vers les toiles de son choix, accrochées dans différentes salles, a pris son temps pour les décadrer et repartir avec les châssis sous le bras. Que les trois gardiens n’aient rien entendu s’explique : depuis le 30 mars, l’alarme était défectueuse dans cette zone du bâtiment. Le musée avait « alerté le jour même la société prestataire. Celle-ci est intervenue dans les vingt-quatre heures mais sa demande de matériel de remplacement, adressée à son fournisseur, n’était toujours pas satisfaite », a indiqué le maire Bertrand Delanoë dans un communiqué.
Un « dysfonctionnement partiel » dont le directeur technique du musée n’avait pas jugé bon d’informer Fabrice Hergott, directeur de l’établissement, qui jouit du soutien indéfectible du maire et de son adjoint chargé de la culture, Christophe Girard. Espérons que l’enquête demandée par le Maire de Paris pour « vérifier si d’éventuelles carences techniques ou humaines ont contribué à rendre possible cette effraction » permettra de déterminer les responsabilités. Mais que les gardiens n’aient rien vu alors qu’ils étaient censés surveiller leurs moniteurs laisse perplexe. Christophe Girard défend leur professionnalisme : « On a affaire à un niveau de sophistication extrême. Cela ressemble à une opération de grand banditisme, de crime organisé. »
Si la thèse du vol commandité par un collectionneur richissime est fantaisiste – James Bond remarquant dans la base sous-marine du Docteur No le Portrait du duc de Wellington de Goya volé à la National Gallery de Londres a marqué les esprits ! –, l’hypothèse d’un vol de commande pour utiliser les œuvres en guise de monnaie d’échange est plus probable. Les tableaux ont été choisis avec soin, ce qui révèle une grande connaissance du sujet. Le musée n’est pas non plus à l’abri d’une demande de rançon. Pour l’instant, l’établissement s’en remet à la Brigade de répression du banditisme, chargée de l’enquête. Le signalement des œuvres a été diffusé sur les bases de données mondiales.
Ce vol met en lumière les carences de protection des collections publiques, ce alors que le musée parisien avait fait l’objet d’une vaste campagne de mise aux normes de sécurité entre 2004 et 2006. Conséquence, le MAMVP devra certainement affronter la méfiance des autres institutions sollicitées pour prêter des œuvres lors des futures expositions temporaires. Sans compter la hausse des polices d’assurances pour ces manifestations dont les tarifs sont déjà prohibitifs, la Ville étant de son côté son propre assureur pour les œuvres de la collection. Pour les besoins des investigations, le musée restera fermé « jusqu’à nouvel ordre ».
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Chefs-d’œuvre envolés
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°326 du 28 mai 2010, avec le titre suivant : Chefs-d’œuvre envolés