Cabinets d’amateur

La Semaine du dessin à Paris est l’occasion pour les musées de dévoiler leurs meilleures feuilles. Expositions, visites privées ou présentations anecdotiques, ces manifestations aux ambitions variées rendent cette année hommage à l’œil des collectionneurs.
Avec une double présence parisienne, Hippolyte Destailleur (1822-1893) est la vedette de la Semaine. Conservant aujourd’hui un large fonds de dessins réunis par l’architecte, le Musée Carnavalet lève le voile sur un ensemble de portraits, rarement publiés, des XVIIIe et XIXe siècles. À la Bibliothèque nationale de France (BNF), Barbara Brejon de Lavergnée et Maxime Préaud leur ont préféré les vues topographiques, soit une quarantaine de dessins sur le thème de Paris, issues de portfolios vendus à l’institution par Destailleur lui-même. Pas d’exposition ici, mais une présentation in situ à quelques happy few, dans la salle des réserves du département des Estampes (site Richelieu).

Collection d’un poète
Le Musée Jacquemart-André met à l’honneur un autre collectionneur de renom, Johann Wolfgang von Goethe. « Sous le regard de Goethe » constitue un exceptionnel aperçu des dessins français des XVIIe et XVIIIe siècles réunis par le poète allemand, et aujourd’hui conservés à Weimar. Les choix d’Antoine Watteau, François Boucher ou Claude le Lorrain témoignent du goût du poète. Pour les amateurs de curiosités animales, la Bibliothèque centrale du Muséum national d’histoire naturelle offre l’opportunité d’apprécier la collection de dessins de l’Académicien Jean-Baptiste Huzard. Datant pour certaines du XVIIIe siècle, ces feuilles sont le fruit d’un travail d’une grande précision, tant scientifique qu’artistique. Le Musée Condé à Chantilly, qui doit sa renommée à la collection du duc d’Aumale, présente pour l’occasion les œuvres de Daniel Dumonstier (1574-1646). Ce portraitiste mondain a croqué la haute société de la première moitié du XVIIe siècle, famille royale comprise. Bénéficiant des prêts du Louvre et de la BNF, cette toute première exposition est concomitante à la sortie du catalogue raisonné de l’artiste préparé par Daniel Lecœur (éd. Arthéna).
Parallèlement à « Véronèse et le dessin » et « Entre Ingres et Delacroix : François-Étienne Haro » au Musée Delacroix, le département des Arts graphiques du Musée du Louvre offre un gros plan sur la famille de peintres lillois du XVIIIe siècle, les Van Blarenberghe – également en vedette au château de Versailles. De même, l’Institut néerlandais de Paris présente, dans le cadre du 400e anniversaire de la naissance de Rembrandt Van Rijn, une sélection de dessins du maître et de ses élèves provenant du Kupferstichkabinett des Staatliche Kunstsammlungen de Dresde.
Enfin, la réouverture du Musée de la Vie romantique à Paris coïncide avec une confrontation de Piero Crommelynck et son maître graveur, Picasso. Ce dialogue entre artistes revit à travers un ensemble de peintures, dessins et gravures représentant Piero et sa famille, auxquelles s’ajoute une large sélection d’eaux-fortes, de cuivres érotiques. Le Musée d’Orsay a choisi l’art décoratif, avec « L’objet et son double », tandis que le Mémorial du maréchal Leclerc présente les dessins du résistant Jean Moulin, dont l’intérêt est surtout historique. La Manufacture nationale de Sèvres complète la sélection avec un clin d’œil. L’établissement a réuni une galerie de portraits des personnalités –administrateurs, chimistes, peintres ou artistes – dont l’impact sur la Manufacture fut décisif. Tel Alexandre Théodore Brongniart, auteur du palais éponyme où se tient le Salon du dessin...