Si l’on en croit Jean-Jacques Aillagon, le projet de budget 2003 s’accompagne d’une opération \"vérité\" sur les comptes, et notamment sur les sommes effectivement dépensées. Néanmoins, la vérité qui apparaît le plus cruellement, c’est le recul du budget de la culture (– 4,3 %) et le non-respect, une fois de plus, des promesses électorales.
PARIS - En politique, tout est dans l’art de présenter les plus cruelles désillusions comme d’authentiques satisfactions, les reniements comme des choix parfaitement assumés. Jean-Jacques Aillagon s’est livré à cet exercice périlleux lors de la présentation du projet de budget de son ministère pour 2003. Il s’est ainsi félicité de “l’augmentation exceptionnelle des moyens d’action pour la culture”. Les chiffres mis en exergue confirment effectivement cette annonce, avec l’accroissement des crédits d’intervention : 5,2 % pour les établissements publics, 4,9 % pour les subventions aux institutions et aux manifestations. Si l’on entre dans le détail, le budget des arts plastiques croît de 5,71 %, les moyens affectés au Musée du quai Branly augmentent de 13,9 %, au Centre Georges-Pompidou de 8,8 %... L’enseignement de l’architecture recevra encore 15 millions d’euros supplémentaires.
Malgré ces hausses, le budget global du ministère est en recul de 4,3 %. “J’ai fait le choix de ne plus céder aux maquillages et aux effets d’annonce”, a expliqué Jean-Jacques Aillagon, avouant préférer une “logique de vérité” à une “logique de bourrage budgétaire”. En effet, l’accumulation des crédits non consommés, notamment dans la restauration des monuments historiques, rendait selon lui inutile l’ouverture de nouvelles lignes de paiement. Comme l’avait souligné l’audit remis en juillet dernier (lire le JdA n° 154, 13 septembre 2002), ce phénomène en développement depuis 1997 s’était accéléré ces deux dernières années (coïncidant ironiquement avec la création de l’éphémère secrétariat d’État au patrimoine !).
Les crédits d’investissement ont été recalculés en fonction de ce qui pourra être effectivement dépensé en 2003, ce qui se traduit par une chute de 215 millions (– 40,3 %). Ce choix exprime “la volonté de favoriser les activités et les projets, et non d’accroître le volume des crédits inemployés du ministère pour de pures raisons d’affichage”. On peut ainsi savoir gré au ministre de rompre avec la démagogie du 1 % du budget de l’État, qui semblait être devenu le seul critère d’appréciation de la politique culturelle. Tout à son ambition de sincérité budgétaire, le ministre a donné rendez-vous à la fin de l’année 2003 pour juger de la bonne exécution de la loi de finances. On attend surtout avec impatience le projet de budget pour 2004. Alors, la rhétorique des crédits non consommés ne fonctionnera plus, et le recul durable des investissements pourrait apparaître dans toute sa crudité.
Jean-Jacques Aillagon devra également rendre compte des mesures mises en œuvre pour améliorer la capacité à dépenser de son ministère, plus particulièrement dans le domaine du patrimoine. La direction de l’Architecture et du Patrimoine a été invité à imaginer des procédures plus rapides.
Une bonne nouvelle a toutefois été annoncée pour nos vieilles pierres. Rompant avec une tradition aux conséquences à la fois dramatiques pour les monuments historiques et coûteuses pour les finances publiques, le budget 2003 prévoit un quasi-doublement des crédits d’entretien affectés au patrimoine ( 10,7 millions d’euros). Une amélioration promise des conditions de travail dans les services départementaux de l’Architecture et du Patrimoine, chargés de cette tâche, sera la condition nécessaire à la réussite de ce louable effort. Le ministre entendait retrouver des marges de manœuvre avec l’abandon de grands projets lancés par le gouvernement précédent. En fait, tant les projets du “51 rue de Bercy” que de la Cité de l’architecture et du patrimoine seront menés à bien, même s’ils sont légèrement reconfigurés. Lorsqu’il était président du Centre Georges-Pompidou, Jean-Jacques Aillagon avait régulièrement regretté l’étranglement progressif dont était victime son institution, du fait de l’inadéquation entre des ressources stagnantes et un accroissement constant des charges. Les promesses faites dès son entrée en fonction seront tenues, bien que, parfois, elles se contentent d’entériner des dispositions arrêtées précédemment. C’est le cas par exemple du transfert de 1 233 emplois de titulaires du ministère de la Culture vers l’établissement public du Louvre. L’autonomisation des grands établissements, comme Orsay et Guimet, sera également organisée. Par ailleurs, le Fonds du patrimoine, qui sert à l’acquisition de trésors nationaux, sera accru de 7,2 %. Il n’en demeure pas moins que la Rue de Valois fait plus que d’autres les frais de la rigueur budgétaire. Augmentation des crédits de la Défense et de l’Intérieur, réduction des budgets de l’Emploi, de l’Éducation nationale, de la Recherche, et de la Culture, le projet de budget montre clairement les choix de société du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.
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Budget de la Culture : l’heure de vérité
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°156 du 11 octobre 2002, avec le titre suivant : Budget de la Culture : l’heure de vérité