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ENTRETIEN

Bruno Maquart : « La rénovation de la Cité va prendre du temps »

Président d’Universcience

Par Sindbad Hammache · Le Journal des Arts

Le 28 juin 2024 - 1148 mots

En attendant le chantier pharaonique de rénovation de la Cité des sciences, l’établissement rouvrira partiellement en 2025 le Palais de la Découverte.

Bruno Maquart. © S. Expilly / EPPDCSI
Bruno Maquart.
© S. Expilly / EPPDCSI

Président d’Universcience depuis 2015, Bruno Macquart a lancé durant son mandat la grande refonte du Palais de la Découverte, contrainte par la restauration du Grand Palais que l’établissement dédié à la culture scientifique partage avec la Réunion des musées nationaux (RMN). Ce chantier muséographique devrait aboutir en deux temps, 2025 puis 2026, créant des passerelles avec ses voisins du monde artistique. L’important chantier de réhabilitation qui attend la Cité des sciences et de l’industrie occupera lui ses successeurs, et devrait mobiliser pas moins d’un milliard d’euros.

Depuis la crise sanitaire du Covid 19, le milieu scientifique se fait souvent l’écho d’un discours inquiet sur le niveau de connaissance et d’intérêt des Français pour la science. Est-ce un constat partagé au sein d’Universcience ? Quels outils avez-vous mis en place pour promouvoir la culture scientifique ?

Nous avons tous une idée sur le sujet de la relation entre nos citoyens et la science, mais nous avons souhaité objectiver cela de manière annuelle. Nous avons développé un outil de mesure, peu avant la pandémie de 2021, le baromètre de l’esprit critique. Si l’on regarde les résultats, on note un intérêt confirmé des Français pour la science : 69 % des sondés déclarent s’y intéresser, c’est plus que la politique et le sport. 88 % affirment que la science permet de mieux comprendre le monde, on peut dire que les Français comprennent à quoi sert la démarche scientifique. Les jeunes montrent un attachement plus grand encore à la technologie et la science. Tout cela nous conduit à dire qu’il n’y a pas de divorce entre les Français et la science. On note tout de même des disparités, selon le lieu d’habitation, le genre, le niveau de vie. Le profil le plus distant de la science est plus rural, issu de catégorie populaire, et plus féminin. Si on veut être efficace, il faut aller à la rencontre de ces populations. Nous réfléchissons à un dispositif qui permettrait de diffuser dans les bibliothèques publiques, pour irriguer profondément le territoire. Le rôle de notre établissement est d’outiller, de fédérer les partenaires, et de partager les bonnes pratiques.

La médiation humaine du Palais de la Découverte est souvent citée par les scientifiques comme un modèle de sensibilisation, au point que certains craignaient son effacement dans la nouvelle version du Palais de la Découverte, après travaux.

Dans le futur Palais de la Découverte, la médiation humaine sera bien au cœur du projet scientifique, mais aussi de la scénographie. Les espaces de médiation seront structurants, avec quelques dispositifs nouveaux, dont une salle immersive dans laquelle le visiteur sera plongé dans un laboratoire de recherche, toujours avec de la médiation humaine. Le Palais est un musée que l’on peut interroger en direct, et obtenir des réponses. Ce sera aussi un lieu qui s’intéresse à l’actualité de la recherche, aux questions sur lesquelles les chercheurs travaillent. C’est un de nos grands axes, le second étant l’objectif de montrer comment la science s’élabore, avec l’introduction de la sociologie des sciences, de l’épistémologie. Nous ouvrirons une première partie en juin 2025, avec une exposition temporaire sur l’intelligence artificielle, puis fin 2026, nous inaugurerons les nouvelles expositions permanentes. Nous avons dégagé des éléments pouvant être livrés indépendamment les uns des autres, afin d’ouvrir de manière pragmatique, dès que l’on peut.

Allez-vous créer des ponts avec vos voisins, la Réunion des musées nationaux et le Centre Pompidou qui s’installera temporairement dans les espaces du Grand Palais à partir de 2025 ?

Sous la rotonde du Palais de la Découverte, nous ouvrirons dès 2025 un espace de 800 mètres carrés coproduit avec la RMN, qui s’appellera le Palais des Enfants, avec une première exposition consacrée à la transparence. C’est une nouveauté presque mondiale, qui mêlera art, sciences pour un jeune public. Nos deux équipes se sont réellement fondues pour inventer quelque chose qui n’existait pas. La présence du Centre Pompidou pour quelques années nous donne également de la visibilité, et il est très probable que nous trouvions des chemins de configuration. Nous sommes dans une très belle configuration intellectuelle, et le public va en profiter. Un des grands avantages du nouveau Palais de la Découverte, ce sera aussi la création d’une entrée spécialisée pour les groupes. Nous avons une fréquentation beaucoup plus familiale, plus jeune que d’autres institutions, et il est important pour nous d’avoir une séquence d’accueil spécifique à ce public très, très stratégique.

La rénovation de la Cité des sciences et de l’industrie, qui a bientôt quarante ans, serait estimée autour d’un milliard d’euros. Où en est le montage de cette opération d’envergure ?

C’est un dossier lourd, qui est à l’instruction, et mobilise des expertises variées. Il y a beaucoup de paramètres différents qui entrent en jeu, et nous sommes dans une phase de dialogue constructif et ouvert avec le ministère de la Culture pour cette opération qui sera importante. Après le Palais de la Découverte, c’est le chantier qui occupera mon successeur, et le successeur de mon successeur. Avant cela, nous allons nous occuper de notre Cité des enfants, qui a plus de trente ans, et qui a servi de référence a beaucoup de musées pour le jeune public. L’année dernière, la « cité des petits » comme celle des grands ont battu leurs records de fréquentation, avec 803 000 visiteurs. Tant et si bien que nous nous engageons à la fin du mois de juin dans leur rénovation ! Il est temps d’inventer et de proposer une nouvelle cité des enfants : nous travaillons avec un comité d’experts et de spécialistes de la petite enfance, avec une attention aiguë portée sur la question des écrans, mais aussi sur le rapport aux filles. C’est à ce jeune âge que l’on voit apparaître les biais de genre, et nous devons y faire attention, dans nos contenus, les activités proposées. C’est un investissement de plusieurs millions d’euros, qui se fera en deux temps, en fermant alternativement la « cité des grands », puis la « cité des petits », avec deux inaugurations en 2025 puis 2026.

Universcience affiche un taux de financement propre, autour de 20 %. Quels sont les leviers qui vous permettent d’abonder vos recettes ?

Au-delà des ressources traditionnelles, nous avons des activités plus spécifiques, comme l’itinérance d’exposition. En ce moment, nous avons des expositions à Lyon, Pleumeur-Bodou, Laval, Montréal. Nous dupliquons aussi certains éléments de nos scénographies pour d’autres musées, comme à Taïwan. C’est une activité qui a très bien repris après la pause du Covid. Notre activité d’ingénierie culturelle fonctionne également bien, nous travaillons sur le projet du Musée du cinéma à Cannes, sur le Musée Pasteur. Nous venons de faire une sensibilisation à l’accessibilité pour l’Arabie saoudite, et nous pouvons être amenés à accompagner les efforts diplomatiques de la France dans le monde. Notre expérience fait d’Universcience le premier service d’exposition itinérante en France, et parmi les plus importants à l’échelle européenne.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°636 du 21 juin 2024, avec le titre suivant : Bruno Maquart, PRÉSIDENT D’UNIVERSCIENCE : « La rénovation de la Cité va prendre du temps »

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