« Bright Lights, Big City »

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 7 juillet 2006 - 698 mots

Monaco célèbre la diversité et la vitalité d’un demi-siècle de création new-yorkaise . L’occasion de s’interroger, au-delà du formidable impact iconique de la ville, sur sa perception en tant que label visuel.

Le titre du premier roman de Jay McInerney, Bright Lights, Big City (1984), aurait fort bien pu convenir à l’exposition « New York, New York » présentée cet été par le Grimaldi Forum à Monaco. Car, plus que les artistes y résidant, c’est bien la ville de New York en tant que centre de création attractif et dynamique, capable d’une production de qualité dans toutes les disciplines, qui y est célébrée.

New York, une marque
La scénographie joue la carte, réussie, de la promenade urbaine, avec une organisation en véritables rues de circulation desservant un quadrillage de salles. Des rues sur les murs desquels se déploie, à défaut de lumières et de signaux urbains, la majeure partie de la considérable sélection photographique opérée pour l’occasion par Melissa Harris, rédactrice en chef du magazine new-yorkais Aperture. Avec quelque trois cents clichés d’environ trente-cinq photographes, le choix fait la part belle à un courant objectif et réaliste qui, ancré à New York, a fait de la ville l’environnement et parfois l’objet même de son travail. On peut ainsi flâner parmi de beaux ensembles d’Helen Levitt, de Lee Friedlander, Garry Winogrand, Mitch Epstein ou Robert Frank, lesquels, dans ce cadre, parachèvent la consécration de la singulière puissance iconique de New York.
Couvrant un gros demi-siècle, depuis l’immédiat après-guerre jusqu’à aujourd’hui, les salles s’articulent de manière assez classique, chronologiquement, proposant un choix d’œuvres signées des célébrités artistiques que la grosse pomme compte, ou a compté. Parmi les pièces remarquables, un diptyque de Franz Kline, Mahoning II (v. 1961) se révèle éblouissant, de même qu’une grande installation de Jenny Holzer qui superpose treize bandeaux lumineux (Red and Yellow Looming, 2004). Les aspirateurs de Jeff Koons apparaissent toujours magistralement efficaces dans leur rôle d’emblème (New Hoover Deluxe Shampoo Polishers, 1980) et l’installation de Kara Walker, de grands personnages en papier découpé sur un mur de plus de 15 m de long, est d’une sensibilité désarmante (Campton Town Ladies, 1998). Les grands – voire très grands – formats ayant été privilégiés, il est d’autant plus regrettable que Jackson Pollock soit réduit à une toile de petites dimensions, certes de belle qualité (Composition #16, 1948). Également, Dan Graham n’est présent qu’à travers une vidéo (Performance/Audience/Mirror, 1975), présentée sur l’un des écrans dispersés dans l’espace dans le cadre du programme de performances élaboré par RoseLee Goldberg.
La complémentarité du regard des différents spécialistes réunis par les deux commissaires, Germano Celant et Lisa Dennison (lire p. 23), garantit une véritable pluridisciplinarité au projet. D’autant plus que Thierry Jousse, ancien rédacteur en chef des Cahiers du cinéma, a été consulté pour constituer six programmes d’extraits de films, liés à la représentation de New York et couvrant tous les genres, du film noir à la comédie musicale, en passant par le cinéma expérimental, l’indépendant ou l’action. En mettant en avant le dynamisme de la production et de l’inspiration créative, cette présence cinématographique apparaît comme un vrai plus dans l’exposition.
Ce long parcours pose aussi la question de l’évolution du statut de New York en tant que centre incontournable de la création. Ce depuis l’idéologie de la liberté revendiquée après guerre, que Serge Guilbaut décortiqua parfaitement dans son ouvrage Comment New York vola l’idée d’art moderne (1), jusqu’à l’émergence d’une mondialisation où la croissance exponentielle du pouvoir de l’image et de la valorisation médiatique a progressivement transformé les artistes en figures d’un héroïsme « spectacularisé », qui a vu des individualités remplacer les mouvements. Centre névralgique d’un monde de l’art globalisé, New York apparaît toujours plus comme le symbole d’un marché qui centralise non seulement des œuvres, mais aussi (et surtout) des images. Ce qui fait dire à Germano Celant, dans le catalogue de l’exposition, que « “New York” est devenue une marque qui s’est symboliquement appropriée tous les produits de l’imaginaire visuel existants ».

(1) éditions Jacqueline Chambon, Nîmes, 1988.

New York, New York

- Commissaires : Germano Celant et Lisa Dennison - Nombre d’artistes : environ 150 - Nombre d’œuvres : environ 500 - Surface d’exposition : 4 000 m2

NEW YORK, NEW YORK, CINQUANTE ANS D’ART, ARCHITECTURE, PHOTOGRAPHIE, FILM ET VIDÉO

Du 13 juillet au 10 septembre, Grimaldi Forum, 10, avenue Princesse-Grace, Monaco, tél. 377 99 99 3000, www.gri maldiforum.mc, tlj 10h-20h, jeudi jusqu’à 22h. Catalogue Skira/Grimaldi Forum, 560 pages, 510 ill. coul., 60 euros, ISBN 88-7624-850-1.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°241 du 7 juillet 2006, avec le titre suivant : « Bright Lights, Big City »

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