Projet lancé par le Musée de la vie romantique, à Paris, « William Blake : le Génie visionnaire du romantisme anglais » devait initialement se tenir à l’hôtel Scheffer-Renan (Paris-9e), hôtel particulier où le musée est logé. Or en juillet 2008, le directeur de l’institution, Daniel Marchesseau, s’est vu signifier par le bureau des musées de la Ville de Paris que son projet serait présenté au Petit Palais, autre musée municipal.
PARIS - Parmi les raisons invoquées figurent les normes de conservation, et plus précisément la stabilité hygrométrique des salles du musée, jugées insuffisantes pour accueillir les œuvres de l’artiste anglais. Au printemps 2008, le musée a pourtant présenté près de 130 dessins et fragiles aquarelles du XIXe siècle, dans le cadre de « L’âge d’or du romantisme allemand », sans provoquer pareilles inquiétudes… Cette fois, les prêteurs, une majorité de grands musées britanniques et américains, ont formulé des demandes spécifiques concernant l’accrochage de leurs joyaux et n’ont souhaité prendre aucun risque – rappelons que William Blake est, en Grande-Bretagne, élevé au rang d’artiste national, au même titre que Turner ou Constable.
Par ailleurs, le Musée de la vie romantique a beau présenter toutes les garanties d’usage, la taille restreinte de ses salles limite l’agencement de vitrines et de cimaises adaptées, alors que les espaces rénovés du Petit Palais autorisent une réflexion scénographique plus poussée. Déployée sur une surface trois fois plus grande, l’exposition y a indéniablement gagné en confort de lecture, notamment pour la présentation d’œuvres à deux faces. En outre, avec le même budget imparti (non dévoilé), le nombre d’œuvres s’est élargi, passant de 130 à 150 numéros. Le coût élevé du transport et de l’assurance a cependant contraint l’équipe organisatrice à renoncer à certaines œuvres appartenant à des collections américaines. Cette grande opération « hors les murs » permet surtout au Musée de la vie romantique de profiter d’un rayonnement et d’une visibilité plus importants. Même si l’esprit de l’hôtel Scheffer-Renan s’accorde parfaitement avec celui de Blake le romantique – ce qui est loin d’être le cas des photographies de Marc Riboud qui le remplacent au pied levé…
Défaut de ligne directrice
Le Petit Palais a pour sa part tout à gagner à accueillir une telle manifestation. Rouvert au public en 2006 après une longue campagne de restauration, le musée a vu sa fréquentation chuter de près d’un tiers une fois passé la première année de réouverture : 800 000 entrées en 2006, 577 000 en 2007 et 579 000 en 2008, selon le musée, ce grâce au coup de pouce des quelque 135 000 visiteurs attirés par les photographies de mode de Patrick Demarchelier à l’automne. Situé à l’ombre, au propre comme au figuré, du Grand Palais, le Petit Palais, musée des beaux-arts dans le sens le plus classique du terme, peine à se tailler une place dans l’offre muséale parisienne. Cette difficulté à se forger une identité propre est aggravée par une politique d’exposition sans réelle ligne directrice, où se mêlent de solides projets scientifiques faits maison (« Rembrandt, eaux-fortes », « Goya graveur »), des coproductions avec les ambassades et les musées étrangers (« La nuit espagnole », « Le mont Athos »), et des accrochages imposés par la Mairie de Paris (« Demarchelier »). Pour ne rien arranger, les méthodes de gestion de la direction font l’objet de vives critiques de la part des salariés, et l’intersyndicale CGT, CFDT, FO a déposé un préavis de grève en signe de protestation pour le jeudi 2 avril, jour de l’ouverture de l’exposition Blake au public…
En juin 2007, le rapport d’audit effectué par l’Inspection générale à la demande de Bertrand Delanoë soulignait la « fréquentation décevante des expositions temporaires », éclipsées par l’intérêt porté à la réouverture du musée – en dépit d’un autre vrai succès en 2006 : « Sargeant-Sorolla », avec 125 000 visiteurs. Avec un record de 88 600 visiteurs pour la collection Rouart, le Musée de la vie romantique réunit entre 20 000 et 30 000 visiteurs à chaque exposition, la moyenne basse de celles du Petit Palais. La Ville de Paris a beaucoup investi (64 millions d’euros) pour le réaménagement de son Musée des beaux-arts, aux dépens d’autres projets, raison pour laquelle l’exposition Blake apparaît comme l’occasion idéale pour affirmer la dimension internationale de ce grand lieu d’expositions. David vient donc au secours de Goliath. Et si le grand gagnant de l’histoire est en définitive William Blake, le Musée de la vie romantique s’est vu remettre un lot de consolation : « Souvenirs d’Italie ». Cette exposition, constituée en grande partie des œuvres habituellement reléguées dans les réserves du Petit Palais, ouvrira ses portes le 27 septembre à l’hôtel Scheffer-Renan.
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Blake out
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°300 du 3 avril 2009, avec le titre suivant : Blake out