Disparition

Berri s’enfuit

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 20 janvier 2009 - 501 mots

Le cinéaste et collectionneur est décédé le 12 janvier.

PARIS - Le cinéaste et producteur Claude Berri s’est éteint le 12 janvier à l’âge de 74 ans, des suites d’un accident vasculaire cérébral. Fils d’un fourreur juif du faubourg Poissonnière, l’homme s’était fait un nom en réalisant les longs métrages Tchao Pantin et Jean de Florette tout en produisant Milos Forman ou Bienvenue chez les Ch’tis. Rongé par une dépression chronique mais fouetté par des envies compulsives, il s’était aussi taillé une place dans le monde de l’art. « Claude ne pouvait expérimenter l’œuvre qu’en l’achetant. Du coup il se décidait très vite, puis le regrettait, confie le courtier Marc Blondeau. Dès qu’un film se terminait, il anticipait les recettes pour acquérir des œuvres d’art. S’il y avait plus de collectionneurs comme lui en France, le marché de l’art se porterait bien mieux. »

Ryman, le plus grand
Pour Berri, l’art, comme l’écriture, faisait office de thérapie. « Quand j’étais déprimé, il était indispensable que j’écrive, c’était mon meilleur médicament, a-t-il noté dans son autobiographie publiée aux éditions Leo Scheer [Autoportrait, 2003]. L’euphorie prenait le pas sur la déprime. En retrouvant mon équilibre, j’ai trouvé d’autres centres d’intérêt, particulièrement la photographie. » Le déclic se fait en 1996, avec l’achat de plusieurs Graffitis de Brassaï, puis s’accélère en terres surréalistes avec Man Ray, Hans Bellmer ou Claude Cahun. Ces noms figurèrent dans la vente d’un pan de sa collection en 2005 chez Christie’s. Côté peinture, l’aventure débute en 1986, alors qu’on vient de lui voler un tableau de Tamara de Lempicka. Il délaisse le décoratif, opte pour un Picasso avant de s’enthousiasmer pour Dubuffet. Grâce à Marc Blondeau, il découvre les tableaux blancs de Robert Ryman, qu’il considérera comme le plus grand peintre vivant. Suivront récemment Wim Delvoye, Berlinde De Bruyckere ou des artistes indiennes comme Hema Upadhyay et Rina Banerjee. « Je ne suis pas un exégète, c’est l’émotion que j’éprouve en regardant une œuvre qui me la fait aimer », avait-il écrit dans son Autoportrait.

Berri avait trouvé d’autres exutoires à son mal-être. De 1991 à 1999, il avait ouvert Renn Espace, rue de Lille, en association les premières années avec Jérôme Seydoux. Y seront montrés Simon Hantaï, Buren et Ryman. En mars 2008, il inaugure un nouveau lieu sous verrière de 400    m2, situé passage Sainte-Avoye (Paris-3e). « Ce lieu, c’était toute sa curiosité, son énergie, sa force, l’endroit où il avait toute la liberté de présenter les artistes qu’il aimait ou découvrait, souligne Aurélia Chabrillat, directrice du site. Ces dernières années, son amour de l’art l’a sauvé, l’a aidé à avancer, à se relever. » Sa mort brutale laisse un vide rempli de questions. Que deviendra son espace, lequel accueillera le 24 janvier une exposition de Stéphane Calais (lire p.13) ? La collection sera-t-elle dispersée en ventes publiques ou fera-t-elle l’objet d’une dation ? À ses fils Thomas et Darius d’y répondre car, malgré son goût de l’écriture, Claude Berri n’a pas couché ses dernières volontés sur papier.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°295 du 23 janvier 2009, avec le titre suivant : Berri s’enfuit

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