Après plusieurs fonctions au sein de cabinets ministériels, Bernard Testu a été commissaire général du pavillon français des Expositions universelles de Lisbonne (1998) et de Hanovre (2000). En 1997, il a été élu vice-président du Bureau international des expositions (BIE). À nouveau commissaire général du pavillon français pour l’Exposition universelle d’Aichi, qui s’ouvre le 25 mars près de Nagoya, au Japon, il a également été élu président du collège des commissaires de la manifestation. Bernard Testu commente l’actualité.
Vous êtes le commissaire général du pavillon français de l’Exposition universelle d’Aichi. Quel est le sens d’une Exposition universelle en 2005 ?
Les Expositions universelles ont 150 ans, mais elles ont évolué d’une façon considérable. Dans l’esprit des promoteurs de 1851, c’était un exercice de projection de puissance. Et la concomitance entre la naissance des Expositions universelles et la révolution industrielle n’est évidemment pas un hasard. Aujourd’hui, il reste quelques points communs : ces manifestations attirent toujours des millions de visiteurs ; l’organisation et l’invitation des autres États du monde à participer revient à un seul pays. L’exposition qui a clairement montré le caractère nouveau des Expositions universelles, après Osaka, Montréal et Bruxelles qui avaient ouvert la voie, c’est Séville en 1992. L’Exposition est devenue un caravansérail des peuples et des cultures du monde, où, sur un thème donné, des millions de personnes se rencontrent pour échanger sur nos racines, notre situation aujourd’hui et nos aspirations pour le futur. Les Expositions universelles sont les rares occasions où les hommes peuvent se livrer à un exercice de diplomatie publique. Elles fournissent des cadres de discussion dans un environnement qui est souvent artistique, ludique et festif et qui s’adresse au plus grand nombre. La typologie du « visitorat », ce sont les familles ; c’est peut-être un des rares événements qui intéressent toutes les tranches d’âge. Les Expositions universelles sont des joyaux dont nous avons hérité presque par hasard de nos anciens. Faisons-les vivre comme cette année au Japon.
Quel est le thème de l’exposition d’Aichi ?
Le thème est très artistique, avec des mots japonais : « La sagesse de la nature ». Cette dernière pourrait d’ailleurs être questionnée. La France a voulu l’aborder sous l’angle du développement durable.
Ce thème a-t-il eu une influence sur le fait que la France soit hébergée sous le même toit que l’Allemagne ?
Non. Cette raison est beaucoup plus politique. Une Exposition universelle est aussi un exercice d’image. Il y a eu une volonté partagée par l’Allemagne et la France de se présenter côte à côte. Un bâtiment commun accueille les pavillons allemand et français, et une Maison Commune sera traversée par tous les visiteurs.
S’agit-il des prémices d’un pavillon européen ?
Il faudrait que la Commission européenne décide de participer aux Expositions universelles, ce qu’elle faisait toujours jusqu’à présent, la première exception étant le Japon. Donc, en soi oui, encore que la réponse ne m’appartienne pas. Il existe une véritable interrogation et sans doute une certaine demande des États membres, mais pour le moment la commission est absente.
Le pavillon de la France accueille des collectivités locales et des entreprises privées. Comment ces différents secteurs vont-ils s’articuler ?
Le pavillon de la France est organisé autour de trois temps. Tout d’abord un théâtre immersif : c’est le Sommet de la Terre de Johannesburg de 2002 mis en image. Les discours de Johannesburg étaient très forts, très puissants et les images le sont aussi. Bruno Badiche en est l’auteur avec des musiques de Rodolphe Burger. C’est un spectacle qui ne montre pas du doigt mais qui explique bien où nous sommes, sans moralisation. Dans un deuxième temps se déploie un forum interactif. Chaque visiteur va se questionner lui-même sur douze questions – l’eau, la croissance, le travail, la santé… – et va pouvoir mesurer les conséquences de sa manière de vivre sur l’environnement et sur l’état général de notre planète. Le troisième élément, ce sont des actions concrètes et des messages que nous voulons porter. Nous nous sommes rapprochés de trois collectivités locales et de trois entreprises, pour qu’il y ait un équilibre. Nous racontons ainsi six actions directement liées au développement durable. Elles ne sont pas parfaites ni toutes achevées, mais elles sont humaines. Ces six éléments muséographiques distincts racontent un message et une action réalisés en cohérence avec le thème. Pour chacun, nous passons systématiquement par un artiste que nous avons choisi ensemble.
Le choix de partenaires tient-il à des impératifs budgétaires ?
Budgétairement, nous avons recherché des partenaires qui avaient un message. Le pavillon de la France fonctionne par ailleurs avec de l’argent public, et c’est normal, puisque c’est l’État français qui répond à l’invitation de l’État japonais. Mais le principe qui a été retenu est celui d’un financement de l’opération à 50-50 avec les partenaires. L’élément muséographique appartient à la collectivité locale ou à l’entreprise qui le réutilisera.
Comment les arts sont-ils présents dans le pavillon français ?
Nous avons engagé un dialogue avec chaque partenaire pour trouver la discipline artistique à laquelle nous allions faire appel. Et ce ne sont pas toujours les mêmes : nous présentons des plasticiens, des designers, des vidéastes, des photographes… Marin Kasimir intervient sur la partie haute du bâtiment franco-allemand, sur 96 mètres de long. C’est un artiste extrêmement talentueux. Nous lui avons donné l’idée du Rhin, le fleuve qui sépare et qui unit et c’est lui qui a su le mettre en image. Mario Matsui va réaliser une exposition temporaire dans les salons du pavillon qui ne sont pas ouverts au grand public, ceci sur les trois premières semaines de l’exposition. Nous avons aussi passé commande à Philippe Girard pour réaliser des photographies de la France rurale et urbaine pour la façade basse du pavillon français. Le long de la file d’attente sont montrés la Mangrove, le Mont-Saint-Michel et Dunkerque. Lilian Bourgeat intervient dans la présentation de Chalon-sur-Saône, qui a décidé de limiter l’émission de gaz à effet de serre dans son agglomération. Pour raconter cette histoire, Lilian Bourgeat est arrivé avec une idée géniale, une gigantesque ampoule et son interrupteur, placé au niveau du sol. Celui-ci n’allume l’ampoule que si nous sommes plusieurs à appuyer en même temps sur l’interrupteur, pour illustrer l’idée que, seul, rien ne peut se faire. Enfin, l’emballage de l’ampoule donne les explications pour tous ceux qui voudront en savoir plus.
La présence d’artistes était-elle pour vous indispensable ?
Nous le voulions dès le départ. Ce sont les meilleurs médiateurs possibles. Les artistes ne sont pas tous français, mais ils le sont majoritairement. C’est aussi utile pour la promotion de ces artistes et je leur suis reconnaissant d’avoir travaillé pour nous. Ils seront tous au Japon pour l’ouverture de l’exposition.
La France n’a pas accueilli d’Exposition universelle depuis 1937. Le projet d’Exposition internationale en Seine-Saint-Denis prévue en 2004 a finalement été annulé. Aujourd’hui, Paris est candidate pour une autre manifestation d’envergure, les Jeux olympiques. Soutenez-vous la candidature de Paris pour 2012 ?
Bien sûr. Il se trouve que j’habite Paris et j’y suis tout à fait favorable. Il y a des parallèles entre les Expositions universelles et les Jeux olympiques. D’abord, certaines Expositions universelles ont accueilli, à l’origine, des compétitions sportives. Ensuite, dans le processus de sélection des pays organisateurs, les missions d’enquête sont assez comparables, même si le Bureau international des expositions est un organisme de droit public, et ses membres, des fonctionnaires payés par chaque État.
Quelle exposition vous a marqué récemment ?
Celle de Raymond Depardon à la Fondation Cartier, à Paris. Son exposition, très belle, parlait de deux villes qui en ce moment m’intéressent beaucoup, Tokyo et Shanghaï. Il y a une troisième ville que je connais un peu, Addis-Abeba [capitale de l’Éthiopie]. Depardon a posé sa caméra à la sortie de la gare, sur une passerelle piétonne surélevée. D’un côté, il filme les gens qui montent, et de l’autre, les gens sur la passerelle. La curiosité du passant devant la caméra est très différente selon les villes. Les gens à Tokyo sont totalement indifférents. À Shanghaï, Depardon montre des touristes chinois, des gens qui découvrent une partie de leur pays. Tout est dit dans ces images. Le Japon accueille l’Exposition universelle d’aujourd’hui et Shanghaï accueillera l’Exposition universelle de 2010. Cette exposition de Raymond Depardon a été pour moi un très grand moment d’émotion.
Exposition universelle, du 25 mars au 25 septembre, Aichi, Japon, rens. www.expo2005.fr
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Bernard Testu, commissaire général du pavillon de la France pour l’Exposition universelle « Aichi 2005 »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°211 du 18 mars 2005, avec le titre suivant : Bernard Testu, commissaire général du pavillon de la France pour l’Exposition universelle « Aichi 2005 »