Allemagne - Politique culturelle

Berlin supprime sa clause anti-discrimination controversée

Par Marion Krauze · lejournaldesarts.fr

Le 24 janvier 2024 - 358 mots

BERLIN / ALLEMAGNE

La ville voulait assujettir ses aides publiques à la culture à la signature d’un engagement de respect de la diversité.

Le Sénat de Berlin. © Olbertz, 2007, CC BY-SA 3.0
Le Sénat de Berlin.

Joe Chialo, le sénateur (l’équivalent du conseiller régional français) berlinois chargé de la culture et de la cohésion sociale, a décidé d’abroger la clause anti-discrimination qui devait être signée par les acteurs culturels pour pouvoir percevoir un financement public. Introduite en décembre 2023, elle est supprimée avec effet immédiat car elle n’est « juridiquement pas sûre », selon le Sénat de Berlin. Cette clause était vivement critiquée dans la sphère culturelle berlinoise, plusieurs artistes estimant qu’elle constitue une entrave à leur liberté d’expression.

La clause oblige les bénéficiaires de fonds publics à s’engager dans la lutte contre l’antisémitisme, selon la définition qu’en donne l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IRA). « Les institutions culturelles et les agences de financement ont la responsabilité de veiller à ce que l'argent public ne soit pas utilisé pour promouvoir des expressions racistes, antisémites, anti-queer ou autrement exclusives », avait expliqué Joe Chialo.

La référence à l’antisémitisme, une question toujours sensible en Allemagne, ne prenait toutefois pas en compte le fait qu’il existe un débat autour de la définition de l’antisémitisme par l’IHRA. Selon de nombreux artistes, la clause pourrait priver de soutien financier ceux qui ont exprimé leur soutien à la Palestine, dans le contexte de la guerre qui oppose le Hamas à l’État d'Israël depuis l’attaque du 7 octobre 2023.

6 000 artistes ont signé début janvier une lettre ouverte adressée à Joe Chialo et à l’administration culturelle du Sénat de Berlin pour protester contre l’introduction de cette clause, qu’ils qualifient d’« ingérence politique ». Selon eux, « il n'appartient pas à l'administration culturelle de déterminer les limites sociales de la liberté d'art et de pensée, pour autant que l'expression de la pensée reste dans les limites du cadre légal ». Ils dénoncent également le fait que la mesure a été mise en place « sans débat ouvert préalable, sans consultation ou autre prise de décision transparente ». Parmi les signataires, figurent Jesse Darling (artiste lauréat du Turner Prize 2023), Natascha Sadr Haghighian (artiste ayant représenté l’Allemagne à la Biennale de Venise 2019), Marwa Arsanios, Martin Beck ou encore Candice Breitz.

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