La collection de Paul Destribats rejoint la bibliothèque Kandinsky, au Centre Pompidou, grâce au mécénat du groupe Lagardère.
PARIS - Jusqu’à la « Révolution surréaliste » au Centre Pompidou en 2002, date à laquelle son nom apparaît pour la première fois comme prêteur sur des cartels d’exposition, Paul Destribats a toujours été un collectionneur discret. Discret, mais acharné. Avec précision et professionnalisme, il a constitué en trente ans le plus important ensemble privé de revues d’avant-garde. Pour qui ne connaît pas lesdites avant-gardes, le sujet peut sembler aride. Or, l’éclosion de mouvements artistiques à l’orée du XXe siècle a été accompagnée d’une multiplication des revues qui leur ont servi de support de diffusion. Une manifestation comme « Dada », à laquelle Destribats a prêté 236 numéros, a largement démontré l’importance des sources documentaires pour l’intelligibilité des œuvres. Depuis cinq ans, Paul Destribats était vendeur d’une collection qui occupe près de soixante mètres de rayonnage. Le Getty Museum de Los Angeles s’était alors proposé de lui acheter seulement 40 % de ce fonds. Après le refus du collectionneur, la National Gallery of Art de Washington est aussitôt entrée en scène, proposant d’acquérir l’ensemble pour 5 millions de dollars (4,1 millions d’euros), grâce à une subvention du philanthrope George Soros. Mais ce dernier s’est finalement rétracté et l’affaire est tombée à l’eau.
Journal révolutionnaire
Depuis le 19 décembre 2005, la bibliothèque Kandinsky, au Centre Pompidou, à Paris, est l’heureuse récipiendaire de cette collection de 998 numéros, adoubée en septembre 2005 comme trésor national. Ce, grâce au mécénat du groupe Lagardère, lequel a déboursé 3,8 millions d’euros, en vertu des dispositifs fiscaux prévus par la loi sur le mécénat de 2003. Le groupe, dont le secrétaire général, Pierre Leroy, est aussi collectionneur de livres surréalistes, capitalisera sans mal sur cette action, particulièrement circonstanciée pour un magnat de la presse.
Arc-boutée de 1846 à 1980, la bibliothèque Destribats couvre les titres significatifs et « canoniques » comme le journal révolutionnaire Le Salut Public (1848) ou les 404 numéros de Der Sturm (1910-1933), mais aussi des spécimens rares comme la revue d’avant-garde hongroise Ma (1916-1925) ou celle de l’artiste Joaquín Torrès-García, Removedor (1945-1953). « J’ai besoin de progresser, et je ne progresse plus. Si je trouve cinq à six revues qui me manquent par an, c’est déjà une bonne année, confie Paul Destribats. Je suis content de me séparer de l’ensemble, et qu’il rejoigne le Centre Pompidou, l’endroit le plus accessible pour la jeune génération. » Le montant de 3,8 millions d’euros peut surprendre les néophytes. « Ce n’est pas cher, car nous voyons les difficultés que nous avons à trouver des numéros de revues (surréalistes et dada surtout) et les prix élevés. On peut parfois attendre toute une vie pour compléter un titre », souligne le marchand Marcel Fleiss (Paris). La bibliothèque Kandinsky en sait quelque chose, puisque près de 44 % des titres ainsi récupérés ne figuraient pas dans ses collections ! S’il ferme un chapitre, Paul Destribats en poursuit un autre, du côté des livres rares. Gageons qu’un jour prochain il nous surprendra aussi en terres bibliophiliques.
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Beaubourg fait le plein d’avant-garde
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°230 du 3 février 2006, avec le titre suivant : Beaubourg fait le plein d’avant-garde