Directrice des musées des Arts décoratifs depuis 2000, Béatrice Salmon évoque les objectifs et les enjeux du chantier : moderniser la muséographie et unir les musées de cette association loi 1901.
Quelle a été l’origine du chantier de rénovation des Arts décoratifs ?
Cette rénovation s’inscrit dans un grand mouvement qui a concerné de nombreux musées français au cours de ces vingt dernières années. Dans le cas du musée des Arts décoratifs, nous avions pour première motivation de rajeunir le dispositif muséographique.
Résultat de modifications successives, le parcours n’avait en effet jamais été reconsidéré dans son ensemble. Il fallait aussi prendre en compte des obligations d’accueil et de sécurité du public.
Par ailleurs, ce musée s’inscrit dans une proposition plus vaste. Désormais, avec un seul et même billet, le public aura accès aux collections des arts décoratifs, mais aussi aux musées de la mode et du textile, de la publicité ainsi qu’à la galerie des bijoux.
Les importants travaux engagés sont-ils synonymes d’un ancrage définitif dans le palais du Louvre ?
Il y a peu de temps, le musée du Louvre a eu, en effet, la tentation – récurrente – de récupérer pour son compte l’aile Marsan que nous occupons. Mais avec ce chantier, nous écrivons un grand chapitre de l’histoire des Arts, qui engage le long terme.
Le musée est ouvert dans l’aile Marsan depuis 1905. Et, pour la première fois, le puzzle est enfin complet. L’image de nos institutions y est au plus juste de ce que ses fondateurs ont voulu, avec ses musées, sa bibliothèque, ses écoles, sa boutique, qui est aussi pour nous une manière de faire aboutir une réflexion sur la reproduction de l’objet, et son restaurant, qui sera ouvert sur le jardin des Tuileries.
À propos des Arts décoratifs, vous avez évoqué l’idée d’un musée des « goûts ». Que cela signifie-t-il ?
Ce musée est le reflet des donateurs qui l’ont constitué. L’extrême variété des objets et les Period Rooms sont là pour illustrer cette réalité du goût, pour donner un nom, une chair à un donateur.
Mais l’histoire du goût est aussi écrite par les conservateurs et les historiens. Or certaines périodes ont connu des heures fastes, tandis que d’autres ont été oubliées. La réouverture nous procure donc l’occasion de procéder à certaines réhabilitations.
Par exemple, nous avons accordé une place plus importante aux deux derniers tiers du XIXe siècle. C’est la période qui a vu naître cette institution et qui reflète les débats majeurs entre art et industrie. C’est un choix, car nous avons travaillé à surface constante.
Votre idée est-elle de croiser les manières d’appréhender, pour les différents visiteurs, les arts décoratifs ?
Oui, car nous devons diversifier les publics. Le musée des Arts décoratifs est traditionnellement le lieu d’un public d’amateurs, de collectionneurs, de spécialistes, de gens de métier ou de curieux. Or chacun porte un regard différent sur ces collections.
J’avais donc envie de stratifier toutes ces expériences de l’objet, de répondre à chacun. Mais aussi de faire valoir leur expérience commune pour favoriser des transmissions et des passerelles dans d’autres domaines. C’est dans ce sens que se construisent les deux grandes manières d’appréhender la collection, chronologique et thématique.
Ce « nouveau » musée sera-t-il le lieu de la réconciliation de l’artisanat d’art et de la création ?
Cette opposition relève d’un schéma sectaire, aujourd’hui obsolète.
À l’heure actuelle, les acteurs de la scène contemporaine ne voient pas d’obstacle entre pratique artisanale et industrielle. Il n’existe plus de barrière théorique sur ce point.
De la même manière, l’industrie a fait une sorte de retour sur elle-même en pensant les productions en petite série. Aujourd’hui, le dialogue entre artisanat d’art et création est réellement possible et fécond.
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Béatrice Salmon : "Le puzzle des Arts décoratifs enfin complet"
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°583 du 1 septembre 2006, avec le titre suivant : Béatrice Salmon : "Le puzzle des Arts décoratifs enfin complet"