La BBC (British Broadcasting Corporation) diffuse 320 à 350 heures annuelles d’émissions sur la musique et les arts (surtout sur BBC 2), ce qui est une petite fraction du temps d’antenne annuel. 'Omnibus', l’émission-vedette de BBC 1 dans le domaine artistique a attiré 2,1 millions de spectateurs durant la saison en cours, 'Arena', sur BBC 2, 900 000 seulement, alors qu’'Eastenders', feuilleton tri-hebdomadaire de la BBC, draine jusqu’à 20 millions de spectateurs, le journal du soir, Nine O’Clock News, étant suivi quant à lui par environ 7 millions de personnes.
LONDRES - Malgré ces statistiques, c’est la BBC qui propose aux téléspectateurs britanniques le choix le plus vaste d’émissions artistiques. Une seule émission sur l’art subsiste sur une chaîne indépendante, diffusée par un réseau national : "South Bank Show", de la London Weekend Television, qui en est à sa dix-huitième saison. Comme la publicité assure le plus clair de leurs revenus, les chiffres d’audience sont primordiaux pour les chaînes d’ITV, et les émissions culturelles ne font donc pas partie de leurs priorités.
"Sister Wendy’s Grand Tour"
Channel 4, dont le projet est de remplir le vide dont souffrent les publics négligés par les autres chaînes, aborde la culture une fois par semaine avec "Without Walls". Le ton de cette émission, suivie en moyenne par 1,3 million de spectateurs, est vivant et libre. Elle a dernièrement traité de sujets tels que les gros mots à la télévision, le culte de l’automobile, la muflerie des grands chefs de cuisine, et le pénis dans l’histoire – avec l’omniprésente Camille Paglia, universitaire et iconoclaste américaine. Menu varié, mais est-ce de l’art ? Cependant, la chaîne, qui se flatte de sa programmation non-conformiste, propose parfois des produits culturels plus traditionnels ; une émission sur les collections royales a ainsi été récemment diffusée, composée et présentée par Christopher Lloyd, responsable des tableaux de la Reine. Par ailleurs, l’année dernière, la Discovery Channel (chaîne Découvertes) a commencé à présenter chaque jour huit heures de documentaires, diffusés par satellite et par câble dans tout le Royaume-Uni et certaines régions d’Europe. Les chiffres d’audience ne dépassent pas pour l’instant quelques dizaines de milliers, mais ce n’est qu’un début.
C’est pourtant la BBC qui a la tradition la plus riche d’émissions culturelles, avec des productions mémorables telles que "Shock of the New", de Robert Hughes, "The Vikings", de Magnus Magnusson, "The Christians", de Bamber Gascoigne, et "Civilization", de feu Kenneth Clark (rediffusée récemment sur BBC 2 à 700 000 téléspectateurs). Ces émissions si enrichissantes des années 60 et 70 se prolongeaient souvent sur douze ou treize semaines, chaque épisode durant entre cinquante minutes et une heure. Il n’existe plus aujourd’hui de série culturelle d’ampleur comparable, à l’exception peut-être de certaines émissions d’histoire naturelle. En ce qui concerne la durée de chaque épisode, on constate une vogue croissante des émissions d’une demi-heure.
On a même vu naître un nouveau format : l’émission de dix minutes. Actuellement, le public a droit à des visites en dix minutes de certains des plus beaux musées d’Europe, sous la houlette d’un critique d’art autodidacte qui se trouve être une religieuse carmélite ("Sister Wendy’s Grand Tour"). Un laps de temps tout aussi bref est imparti à la série de BBC 2 "One Foot in the Past", consacrée au patrimoine et à la conservation. Cette tendance peut s’expliquer de plusieurs façons, entre autres par le coût des reportages filmés aux quatre coins du monde. Cette évolution semble cependant moins en rapport avec les contraintes financières qu’avec l’idée que se font les producteurs d’émissions des publics d’aujourd’hui : ils semblent convaincus que leur capacité d’attention a diminué, et qu’on ne peut plus espérer qu’un public restera fidèle à une série de longue durée.
La fidélisation du public
Il est difficile de voir sur quels éléments s’appuie cette conviction mais, apparemment, c’est dans le même esprit qu’une bonne partie des productions britanniques s’adresse désormais essentiellement aux jeunes. Pourtant, un tiers de la population du Royaume-Uni aura plus de cinquante-cinq ans à la fin de ce siècle. Mieux encore, les statistiques prouvent que la tranche d’âge la plus importante chez les téléspectateurs britanniques est précisément celle des plus de cinquante-cinq ans, la tranche des vingt-cinq à quarante-cinq ans prenant de justesse la deuxième place aux seize à vingt-quatre ans. Vraisemblablement, ce public d’un certain âge est plus qu’un autre capable de se fidéliser et d’exercer des choix critiques ; or, on ne semble pas tenir compte de son existence.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
BBC : l’art en dix minutes - ITV : le vide
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°4 du 1 juin 1994, avec le titre suivant : BBC : l’art en dix minutes - ITV : le vide