Certains ne cessent de stigmatiser l’emballement du marché de l’art contemporain, expliquant que les artistes roulent sur l’or.
Certains ne cessent de stigmatiser l’emballement du marché de l’art contemporain, expliquant que les artistes roulent sur l’or. Le métal précieux fait surtout indéniablement partie de leur vocabulaire. C’est ce que vient confirmer l’ouvrage L’Or dans l’art contemporain, placé sous la direction d’Anne-Marie Charbonneaux à qui nous devons déjà Les Vanités dans l’art contemporain. Dans la préface, Gérard-Georges Lemaire se livre à une histoire de l’or dans l’art, en remontant jusqu’à l’Égypte ancienne et le sarcophage de Toutankhamon, Byzance et les mosaïques de Saint-Vital de Ravenne, et la peinture religieuse européenne à fond or. L’ouvrage se poursuit ensuite par un vaste album, où les œuvres d’Yves Klein, Orlan, Jean-Pierre Raynaud ou Marc Couturier se succèdent. Pour James Lee Byars, par exemple, « l’or est le Christ et Bouddha. C’est l’Eldorado et la Terre promise », écrit Kevin Power. Ou comment réintroduire une part de sacré dans l’art.
Interventions sauvages
C’est à une conception diamétralement opposée de la création que nous convie pour sa part Trespass, une histoire de l’art urbain illicite que publient les éditions Taschen. Loin du sacré, ces pages nous entraînent à la découverte d’interventions sauvages d’artistes dans l’espace public. Les graffeurs sont évidemment en bonne place, avec Banksy ou Jean-Michel Basquiat, qui signait « SAMO », ou encore Miss.Tic, Keith Haring… Mais l’ouvrage fait plus largement place aux micro-interventions urbaines qui changent la perception de la ville. Ainsi de Zeus qui relève, sur le sol, les ombres du mobilier urbain dessiné par l’éclairage public. Ou d’Invader qui fixe sur les murs des cités, un peu partout dans le monde, des mosaïques issues de jeux vidéo des années 1970-1980. Plus social, Gordon Matta-Clark a brisé, en 1976, les vitres d’un immeuble pour souligner l’échec de la politique du logement dans le New York des années 1970. Dans la même ville, Spencer Tunick convie des milliers de personnes à se coucher dans la rue… nues ! Bref, des pratiques fort différentes, qui ont pour point commun leur terrain de jeu, la rue, et leur statut juridique, l’illégalité.
Humour décapant
À côté de ces ouvrages thématiques, l’actualité de l’édition est riche d’un ensemble de monographies consacrées à des artistes français en milieu de carrière, nés entre 1960 et 1965. La somme consacrée à Richard Fauguet éditée avec le soutien du FRAC Île-de-France, a reçu cette année le prix Champagne Henriot du catalogue d’artiste. Jouant sur la couverture avec l’esthétique du passeport, avec les lettres « RF » dorée, l’ouvrage alterne dans la forme pages blanches et de couleurs. Au fil du livre se réordonne un travail nourri par un humour décapant, un sens de la dérision et du recyclage pervers. Ainsi de ce plâtre médical sobrement titré Les Copains (1992) et couvert des signatures de Renoir, Gustav Klimt, Goya ou Courbet !
Le détournement n’est pas non plus étranger au travail de Franck Scurti, qui, avec Home-Street-Museum, fait l’objet d’une importante monographie aux éditions Presses du réel. En plus de 330 pages, l’art du Français est mis en perspective aux travers de textes de Patrick Javault, Thierry Davila, Michel Gauthier et Louis Ucciani. Du pack de lait à la boîte de sardines ou au paquet de gâteaux secs, les formes du quotidien retrouvent de nouvelles fonctions dans une démarche qui plonge ses racines dans une analyse de l’économie, mais aussi de la presse. Est également présenté ici le projet en cours de réalisation du monument à Charles Fourier pour le boulevard de Clichy, à Paris, mais aussi des sculptures pour l’espace public déjà taguées !
Sculpteur, Vincent Beaurin l’est aussi, lui qui publie sa première monographie chez Skira-Flammarion à l’occasion de son exposition à l’atelier Cézanne, à Aix-en-Provence l’été dernier. Ses formes toutes en rondeur, parfois d’inspiration organique, ont une présence forte et étrange, mystique et plastique. Un art dont les paillettes n’ont rien de bling-bling ! C’est dans un autre univers que nous mène le travail d’Alain Bublex, plus proche de la fiction et même de la science-fiction. On se souvient de son projet autour de Glooscap, ville imaginaire du Canada, réactivée pour la dernière édition de la « Force de l’art » au Grand Palais, à Paris, en 2009. La monographie éditée aujourd’hui par Flammarion revient sur ce projet, mais aussi sur l’ensemble de la production de l’artiste, ancien designer automobile. Ses Aérofiat ou sa série des plans voisins de Paris nous conduisent tout droit sur la route d’une utopie contemporaine, située quelque part entre le bricolage à l’ancienne et un monde retouché avec Photoshop. Une croisée des chemins.
Sous la direction d’Anne-Marie Charbonneaux, L’Or dans l’art contemporain, éd. Flammarion, 2010, 240 p., 60 euros, ISBN 978-2-0812-4143-5
Sous la direction d’Ethel Seno, Trespass, une histoire de l’art urbain illicite, éd. Taschen, 2010, 320 p., 30 euros, ISBN 978-3-8365-2417-9
Collectif, Richard Fauguet, éd. Monografik, 2010, 360 p., 39 euros, ISBN 978-2-9165-4575-2
Collectif, Franck Scurti, Home-Street-Museum, éd. Les Presses du réel, 2010, 334 p., 35 euros, ISBN 978-2-8406-6263-1
Vincent Beaurin, Le Spectre dans l’atelier de Cézanne, éd. Skira-Flammarion, 2010, 144 p., 40 euros, ISBN 978-2-0812-4126-8
Collectif, Alain Bublex, éd. Flammarion, 2010, 240 p., 50 euros, ISBN 978-2-08-124503-7
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Autour de l’art contemporain
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°336 du 3 décembre 2010, avec le titre suivant : Autour de l’art contemporain