Accident

Dans Amatrice dévastée, on pare au plus pressé

À Amatrice, village martyr du séisme qui a frappé l’Italie

Les autorités italiennes essayent tant bien que mal de recenser le patrimoine historique détruit ou endommagé et de préparer les opérations de restauration.

Par Eugenio Murrali (à Rome) · Le Journal des Arts

Le 30 août 2016 - 842 mots

L’un de nos journalistes a pu se rendre dans le village d’Amatrice, non loin de l’épicentre du tremblement de terre qui a secoué le 24 août le Latium et fait près de 300 morts. Malgré les difficultés d’accès et l’étendue de la zone, les autorités s’activent pour recenser les très nombreux sites anciens endommagés et prennent les premières mesures d’urgence. Ayant en mémoire le précédent de L’Aquila, les rescapés sont inquiets pour leur avenir.

AMATRICE (ITALIE) -  Pour venir à Amatrice dans la région du Latium depuis Rome, il ne reste plus qu’une seule route, et, ironie du sort, cette route passe par le village de L’Aquila qui fut ravagé par un tremblement de terre en 2009. Sur la route, on croise quantité de camions chargés de décombres et de véhicules de pompiers. Dans chaque hameau traversé, les clochers des églises, s’ils ne sont pas tombés, sont consolidés en urgence. Les cinquante gendarmes attachés au service de protection du patrimoine ont recensé 293 sites historiques endommagés, dont 50 ont été presque complètement détruits. La secrétaire générale du ministère des Biens et activités culturels et du Tourisme, Antonia Pasqua Recchia, a confié au Journal des Arts : « Ce premier recensement montre d’énormes dommages dans le centre d’Amatrice, d’Accumoli et d’Arquata del Tronto. Mais, de jour en jour, on comprend que la situation est bien plus dramatique ».

Les services techniques du ministère sont déjà au travail dans les villages situés loin de l’épicentre, sans pouvoir encore pénétrer dans les zones rouges, où n’entrent que les carabiniers, la protection civile et les pompiers. Deux raisons à cela : on continue à fouiller les décombres à la recherche d’éventuels survivants, ou plus sûrement de corps qui viendraient s’ajouter à la liste des près de 300 morts (au 29 août). Et puis la terre tremble encore. Dimanche 28 août, nous avons ressenti plusieurs secousses et entendu un bruit de cloches provenant du campanile de la belle église de Saint-Augustin (XVe siècle) qui menace de s’effondrer. Tout le centre d’Amatrice est dans le même état. Parfois un pompier va chercher des objets dans les rares bâtiments qui sont restés debout pour les rendre à leurs propriétaires.

Plus de 3 000 sites concernés
Le ministère a déjà pris plusieurs mesures. Dario Franceschini a décidé de destiner toutes les recettes des musées d’État réalisées lors du dernier dimanche à la reconstruction du patrimoine culturel ; les musées privés ont également rejoint la campagne « #museums4italy ». Entre-temps des bâches ont été acquises pour protéger les monuments d’éventuelles pluies. Antonio Coppola, colonel des carabiniers pour la protection du patrimoine culturel, explique : « La situation est très grave et elle va empirer. Nous avons beaucoup de difficulté à accéder aux monuments, soit à Amatrice, soit dans les hameaux. Nous avons dressé une première liste des lieux où il faut agir le plus vite possible, au Musée civique, par exemple, où l’on a déjà commencé à récupérer des tableaux. Ce n’est pas facile : dans les 20 km autour de l’épicentre il y a plus de 3 000 sites. En plus nous devons prévenir les pillages. »

D’après Antonia Pasqua Recchia, il y a moins de sites majeurs dans les villages touchés qu’à L’Aquila, mais le patrimoine endommagé est très dispersé et le défi sera de reconstruire les anciens villages, sur le modèle de ce qui avait été fait à la basilique de Saint-François à Assise, endommagée lors du séisme du 1997. Une directive du ministère datant de 2015 prévoit deux étapes dans les procédures de restauration, une première évaluation en urgence est suivie d’une deuxième plus complète accompagnée d’un devis estimatif de l’intervention. Des spécialistes devraient arriver de toute l’Italie ; ils formeront les équipes placées sous la protection des pompiers. Les opérations seront très complexes, souligne Antonia Pasqua Recchia ; les ruines des églises et d’autres monuments ne peuvent être traitées comme d’autres décombres, si on veut sauver les fresques, les rosaces, les portails. Dans la seule Amatrice, la ville dite « aux cent églises », le séisme a complètement détruit le bâtiment des archives municipales, la bibliothèque, huit églises et le Musée civique. Des fresques du XIIIe siècle sont perdues. Les maisons de l’ancien village – bâties avec des pierres rondes et irrégulières liées par un mortier – sont désintégrées et continuent de se disloquer avec les répliques.

Le bourg d’Accumoli est lui rasé. Sur le versant des Marches, Arquata del Tronto, un village médiéval, fait état de quatre églises fortement endommagées, dont celle de San Francesco, une rare église à deux nefs, célèbre aussi pour son suaire, une ancienne copie de celui de Turin. Partout des décombres, et l’on n’a pas encore réellement pris la mesure du désastre.

Les rescapés du séisme demandent à ne pas être abandonnés, car beaucoup d’entre eux vivaient du tourisme. Le gouvernement a d’ores et déjà alloué 50 millions d’euros aux villages frappés, tandis que des millions ont été recueillis grâce à la solidarité nationale. Le président du Conseil, Matteo Renzi, souhaite commencer tout de suite la reconstruction – il a déjà consulté l’architecte Renzo Piano. Il veut aller vite et envisage un plan de 3 milliards d’euros pour la prévention antisismique dans tout le pays.

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Amatrice, l'église Saint-Jean en ruine. © Photo : Carabinieri Tutela Patrimonio Culturale

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°462 du 2 septembre 2016, avec le titre suivant : À Amatrice, village martyr du séisme qui a frappé l’Italie

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