Chef du département des Affaires internationales au ministère de la Culture de 1995 à 1999 puis directeur général de la Villa Arson à Nice, Alain Lombard est aujourd’hui commissaire général pour la France des Années croisées France-Chine 2003-2005. Il publie en septembre Politique culturelle internationale : le modèle français face à la mondialisation (Actes Sud). Il commente l’actualité.
Présidées par Jean-Pierre Angremy, les Années croisées France-Chine, dont vous êtes le commissaire général pour la France, se sont ouvertes avec l’exposition “Alors la Chine ?” au Centre Georges-Pompidou. Quels sont les principaux événements à venir ?
Après plusieurs expositions présentées en avant-première, celle dont vous parlez mais aussi la quinzaine d’expositions de photographes chinois à Arles (un panorama au sein duquel se détachent notamment les travaux troublants de Gao Bo ou de la jeune Chen Linyang), l’Année de la Chine en France va véritablement commencer en octobre. Elle s’achèvera en juillet 2004. Pendant les dix prochains mois, les rendez-vous vont se multiplier, qu’ils concernent la “Chine éternelle”, la “Chine des traditions et de la diversité” et la “Chine des créateurs et de la modernité”.
De grandes expositions patrimoniales vont être inaugurées dès le mois d’octobre, à l’exemple de celle sur Confucius au Musée Guimet, celle consacrée aux grandes découvertes archéologiques du Séchouan (Salle Saint-Jean, Paris) et du Guangxi (Musée Sainte-Croix, Poitiers). Pour les périodes modernes et contemporaines, notons la peinture chinoise au XXe siècle à la Porte dorée et des rétrospectives consacrées à Chen Zhen (Palais de Tokyo) et Zao Wou-ki (Jeu de paume). Des défilés de mode seront organisés au Carrousel du Louvre tandis que l’Orchestre national et le Ballet national de Chine entament une tournée. Sans oublier les spectacles innovants du Festival d’automne à Paris. Le programme va se poursuivre tout au long de l’année 2004. Je ne citerai que quelques étapes particulièrement importantes : une vaste tournée des Étoiles du cirque de Pékin, une centaine de films chinois à la Cinémathèque française, une célébration sans précédent du Nouvel An chinois fin janvier, une exposition de peintures anciennes au Grand Palais, la promotion de la littérature chinoise au Salon du livre, la présentation d’un nouvel opéra de Tan Dun et une grande exposition d’art contemporain en juin à Lyon. Il faudrait aussi évoquer les nombreuses résidences d’artistes et les échanges avec des écoles d’art, les colloques, les manifestations scientifiques...
Alors que le projet de Jean Nouvel pour le Guggenheim Museum de Rio est compromis par une enquête sur les conditions de son financement, la fondation américaine a annoncé son projet d’une antenne à Taïwan conçue par Zaha Hadid. Que pensez-vous du système d’extension et de franchise du Guggenheim ?
Je crois comprendre que la stratégie du Guggenheim est actuellement en cours de redéfinition. En passant, je note que j’avais lu beaucoup d’articles dans la presse au moment de l’ouverture de l’antenne de Las Vegas, j’en ai lu beaucoup moins lors de sa disparition. Mais cela ne devrait pas remettre en cause la politique d’expansion d’un établissement comme le Centre Pompidou. Celui-ci dispose de collections impressionnantes – magnifiquement mises en valeur lors d’expositions “hors les murs” comme celles qui sont présentées actuellement à Nîmes sur la sculpture ou à Lausanne sur ce très grand artiste qu’est Kupka –, mais qu’on pourrait peut-être voir plus souvent grâce à des antennes permanentes en France ou à l’étranger.
Le principe de l’exception culturelle a été inscrit dans le projet de la Constitution européenne, donnant un droit de veto aux pays membres dans le domaine des accords commerciaux incluant des services culturels et audiovisuels. Quel est votre sentiment sur ce principe ?
Il faut se réjouir du succès obtenu par Jean-Jacques Aillagon et Dominique de Villepin pour obtenir la préservation de l’exception culturelle. Le rapport des forces en Europe n’est pas tel qu’on puisse s’en passer. L’exception culturelle n’est cependant, on le sait, qu’un moyen au service de la diversité culturelle. Celle-ci nécessite une politique active qui ne saurait être uniquement défensive. C’est en maintenant une politique culturelle forte et dynamique, et notamment une politique active de promotion des échanges culturels, qu’on peut le mieux défendre la diversité culturelle. Des manifestations telles que les Années France-Chine s’inscrivent directement dans cette politique de promotion de la diversité culturelle.
Dans le champ des arts plastiques, la Biennale de Venise est cette année le grand rendez-vous international. Qu’avez-vous retenu de cette édition ?
Certains ont trouvé cette édition un peu morose, mais je ne partage pas cet avis. La Biennale était stimulante. Je note avec un certain plaisir la présence importante d’artistes travaillant en France. Cela confirme l’intérêt international pour la jeune génération française. Néanmoins, j’ai particulièrement apprécié “Zone of Urgency”, l’exposition menée par Hou Hanru. La notion d’urgence reflète bien les conditions actuelles de la production artistique en Chine. La même effervescence est d’ailleurs visible dans “Alors la Chine ?”, l’exposition actuelle organisée au Centre Georges-Pompidou par Chantal Béret, Laurent Le Bon et Alain Sayag, associés à leur collègue chinois Fan Dian.
Adoptée cet été par le Sénat, la loi sur le mécénat prévoit des exonérations d’impôts plus importantes sur les dons des particuliers et des sociétés à des associations et des fondations œuvrant pour l’intérêt général, et un renforcement des incitations fiscales pour le mécénat d’entreprise, notamment dans le domaine des fondations et des collections. Pensez-vous que ces mesures vont donner un nouvel élan à l’action de la société civile dans le domaine culturel ?
La conjoncture économique actuelle n’est guère favorable au mécénat. Toute mesure prise en faveur de son développement ne peut aller que dans le bon sens. Même quand il s’agit de mesures à effet relativement limité – car en fait bien peu d’entreprises atteignent actuellement les seuils en vigueur, relevés dans le nouveau texte (qui comporte par ailleurs d’autres dispositions très intéressantes, comme celles sur les collections d’entreprises) –, ce sont des mesures à l’effet symbolique important. Il faut bien faire comprendre que le gouvernement est clairement en faveur du développement du mécénat en France, étant entendu qu’il doit s’agir de moyens supplémentaires bénéficiant à la culture et non de moyens se substituant à ceux des pouvoirs publics. Mais le développement du mécénat nécessite la coopération de tous, y compris des médias. Ainsi, je serais très heureux que vous m’autorisiez à citer et remercier les mécènes de l’Année de la Chine en France, qui ont accepté de nous soutenir dans le contexte difficile actuel : EDF, LVMH, JC Decaux, Suez, Le Crédit agricole, Alcatel et L’Oréal.
Quelles expositions ont attiré votre attention récemment ?
J’avoue que l’exposition qui m’a sans doute le plus touchée pendant l’année écoulée est celle que j’ai vue à Parme en mai, célébrant le cinquième centenaire de la naissance de Parmigianino. Les Italiens savent mieux que personne organiser ces rendez-vous avec leurs grands maîtres, sur les lieux mêmes où ils ont accompli une grande part de leur carrière : Beccafumi à Sienne, Piero Della Francesca à Arezzo ou Giulio Romano à Mantoue, autant d’expositions mémorables que “Parmigianino” à Parme est venue compléter. Mais j’ai pris beaucoup de plaisir aussi à la rétrospective de Bernard Frize au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, sans que celle-ci m’ait fait oublier l’exposition de Nîmes en 1999. À Nice, l’exposition d’été de la Villa Arson (lire p. 10), consacrée au dessin dans l’art contemporain, est un projet ambitieux qui m’a semblé très bien maîtrisé. La Villa Arson est un lieu magique qui mérite vraiment le détour. Elle devrait d’ailleurs accueillir plusieurs artistes chinois en résidence cette année.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Alain Lombard
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°175 du 29 août 2003, avec le titre suivant : Alain Lombard