Depuis quelques mois le nom de la galerie d’Alain Le Gaillard revient souvent dans les conversations : que ce soit dans les deux derniers bilans de la Fiac ou dans les revues d’art contemporain, la sage galerie du VIe arrondissement parisien concourt désormais activement à la résurrection de ce quartier récemment revigoré par l’ouverture de la remuante galerie Loevenbruck, située rue de Seine.
Ouverte depuis presque neuf ans par Alain Le Gaillard, cette galerie était restée bien discrète jusqu’à l’arrivée de son associé Olivier Robert, il y a un peu plus de deux ans. Jusqu’alors centrée sur le négoce des « valeurs sûres » de la peinture et de l’art moderne – une activité aujourd’hui encore essentielle et gérée de main de maître par le fondateur du lieu –, la galerie a pris le virage de l’art contemporain grâce à l’entrain particulièrement contagieux d’Olivier Robert. Il serait tentant de définir ce tandem selon le principe du moderne et du contemporain (respectivement quinquagénaire et trentenaire), mais ce schéma est bien éloigné de l’émulation qui s’opère entre ces deux hommes et ces deux domaines. Alain Le Gaillard n’a pas découvert l’art le plus récent sous l’impulsion d’Olivier Robert, auparavant directeur de la galerie Art et Patrimoine à Paris. D’ailleurs, il ne délègue pas ce domaine à son jeune associé, mais s’investit tout autant que lui dans la découverte et la promotion de jeunes artistes comme les frères Turpin, Gaston Damag, Yann Delacour ou Lionel Scoccimaro,
et tempère la fougue de son comparse. Ce dernier n’échappe pas lui aussi à la passion des « modernes » et prend beaucoup de plaisir à présenter sur les stands des foires, des toiles de Jean-Michel Basquiat et de Keith Haring, des pièces d’Anish Kapoor, de Dennis Oppenheim, ou encore des œuvres de Louise Bourgeois exposées à la Foire de Bologne à la fin du mois de janvier avec les créations du prometteur Pascal Marthine Tayou.
En octobre dernier, le stand de la foire parisienne ne désemplissait pas grâce au film hypnotique de Chieh-Jen Chen, Film stills. Muet, en noir et blanc, ce film montrait le supplice chinois du Lingchi, où un condamné, heureusement abruti d’opium, se fait découper vivant et meurt à petit feu sous les yeux de spectateurs pris entre la révulsion et la fascination, rappel détourné de la brutalité de certaines scènes religieuses (crucifixion, massacre des innocents) abondamment peintes en Occident. Exposer un tel film offrait une prise de risque maximum pour la galerie, mais se révéla être, au final, un choix judicieux.
Dernière « provocation » en date, l’exposition Chambre double, installée dans l’hôtel La Louisiane, rue de Seine, en décembre 2002. Vingt-quatre artistes dispersés dans douze chambres pendant douze jours. Les artistes – ceux de la galerie et des coups de cœur comme Liu Ming ou Guillaume Paris – ont travaillé ensemble sur des propositions volontairement simples mais loin d’être légères, histoire de tordre le cou à l’hermétisme supposé de l’art contemporain. De la mangrove pour salle de bains de Jean-Luc Bichaud au film Safe sex de Pascal Bernier (deux artistes maison) efficacement accrochés, à la parure de draps médiatiques de Wang Du, Chambre double a gagné son pari et attiré autant les curieux que les spécialistes du milieu de l’art. Après ce succès, il ne faut pourtant pas s’attendre à ce que l’hôtel devienne l’annexe officielle du modeste espace d’exposition situé au 19 rue Mazarine. L’association ne s’arrêtera pas pour autant, mais ne sera pas là où on l’attend. Le mystère reste encore entier pour le moment. Si la galerie présente en février un accrochage des artistes maison, elle reprendra le flambeau des découvertes dès mars avec une exposition du tout jeune peintre (vingt-quatre ans) Julien Beneyton, une peinture à contre-courant des tendances actuelles, réaliste aux frontières du naïf.
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Alain Le Gaillard et Olivier Robert, une efficace émulation
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°544 du 1 février 2003, avec le titre suivant : Alain Le Gaillard et Olivier Robert, une efficace émulation