Dans la semaine du 1er janvier, les autorités saoudiennes ont démoli la forteresse ottomane d’Ajyad, qui surplombait la Grande Mosquée de La Mecque (ouest de l’Arabie Saoudite), premier lieu saint de l’islam, pour y réaliser un complexe résidentiel. La décision a provoqué la colère d’Ankara qui considère les opérations comme un acte d’animosité envers la Turquie.
RIYAD - Malgré les protestations de la Turquie, les autorités saoudiennes ont démoli la forteresse ottomane d’Ajyad, située sur la colline de Boulboul, à La Mecque, pour y réaliser un complexe résidentiel. Dans un communiqué, le ministre des Affaires islamiques et des Waqfs (biens religieux), Salah Al-Cheikh, a affirmé que son pays n’avait fait qu’“exercer sa souveraineté sur son territoire”. La forteresse “n’est pas un site sacré, ajoutait un responsable du ministère des Affaires étrangères dans le quotidien Okaz. Les protestations de la Turquie sont une tentative d’exporter ses problèmes internes”. Un représentant saoudien auprès de l’Unesco, Feda Al-Adel, cité par Okaz, a par ailleurs démenti qu’Ankara ait déposé une protestation contre la destruction du site, en précisant qu’elle n’en avait pas le droit puisque Ajyad ne figure pas sur la liste du patrimoine mondial de l’organisation. Construite il y a quelque deux cent vingt-cinq ans par le gouverneur de La Mecque, Ghaleb Ben Moussaed, la forteresse ottomane a été érigée, avec deux autres bastions, Lala et Hindi, pour défendre les lieux saints musulmans des assauts des tribus rebelles. D’une superficie de 800 mètres carrés, bâti en pierre avec des murs de trois mètres de haut, et restauré au XIXe siècle, l’édifice avait été transformé en musée après l’avènement de la maison des Al-Saoud, fondatrice du royaume saoudien en 1932. En décembre 2001, le roi Fahd a autorisé la construction de onze tours résidentielles, composées d’un millier d’appartements, et d’un hôtel cinq étoiles de 1 200 chambres, pour un coût de 533 millions de dollars (605 millions d’euros) sur la colline de Boulboul. La réalisation du complexe résidentiel a été confiée au groupe saoudien Ben Laden et devrait être complétée en 2005. Ardemment dénoncé par Ankara – le ministère turc de la Culture avait comparé le 7 janvier la décision saoudienne “à la destruction des statues géantes des bouddhas en Afghanistan” –, le projet porte également sur la reconstruction de la forteresse sur un autre site, “dans le respect de son architecture originale”. Vivement émus de la décision de Riyad, des députés turcs y ont vu un signe d’animosité envers la Turquie : “la destruction par un pays musulman de l’héritage historique d’un autre pays musulman sur la terre sainte est une attitude pécheresse violant les valeurs morales de l’islam”, déclarait notamment le vice-président du Parlement Murat Sokmenoglu. Interrogé par l’AFP, Said Zulficar, secrétaire général de Patrimoine Sans Frontières (PSF) et ancien directeur du Patrimoine à l’Unesco, estime pourtant “qu’il n’y a pas d’arrière-pensée contre les Turcs dans cette destruction, mais seulement des motivations d’argent [...]. En apparence, c’est un régime [des Saoudiens] très austère et très rigide, qui fait une interprétation prémédiévale de l’islam et qui veut exporter cette religion. Et au fond, c’est un régime qui ne pense qu’à s’enrichir. Leurs palais sont dépouillés extérieurement, mais à l’intérieur s’entassent les œuvres et objets d’art. Acquis non pas pour leur valeur artistique, mais comme investissement”.
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Ajyad réduite en poussière
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°141 du 25 janvier 2002, avec le titre suivant : Ajyad réduite en poussière