La justice anglaise vient de mettre le point final à une histoire rocambolesque. Cinquante-six fausses œuvres expressionnistes, un curieux marquis bavarois et de crédules investisseurs composent le pittoresque arrière-plan d’une escroquerie d’1,8 million de livres sterling.
LONDRES (de notre correspondant) - L’affaire concernait un lot de tableaux qui auraient été sortis clandestinement de l’Allemagne nazie par le marquis Victor von Saloschin, d’origine bavaroise mais anobli au Brésil. Ces œuvres faisaient partie d’“une fabuleuse collection” réunie par ses ancêtres. Dans un premier temps, 56 tableaux expressionnistes, prêtés pour une exposition itinérante dans plusieurs universités américaines, ont été identifiés comme des faux. Puis on a appris que des investisseurs irlandais avaient placé un total de 1,8 million de livres sterling (environ 18 millions de francs) dans une tout aussi fausse collection de maîtres anciens – Rembrandt, Rubens, Reynolds… – qui devait être vendue en Malaisie à un acheteur qui s’est révélé fictif. Par un jugement rendu le 8 juillet, Bryn Lloyd Williams, ancien marchand d’art, a été reconnu coupable de cette fraude, faisant éclater au grand jour le manque de discernement de presque tous les protagonistes de l’affaire.
En 1991, M. Williams avait proposé à plusieurs universités américaines de leur prêter sans frais un ensemble de tableaux et de dessins expressionnistes estimés 2 millions de livres. À l’en croire, ces expositions résultaient d’une volonté philanthropique de resserrer les liens culturels entre l’Europe et les États-Unis. Lorsque la collection Saloschin a fait étape dans l’Illinois, en 1993, Eva-Maria Worthington, un marchand de Chicago, s’est étonnée que ces œuvres n’aient jamais été recensées et a commencé à poser des questions sur leur provenance. Une enquête a révélé que les tableaux étaient des faux ; la collection a été saisie et les expositions ultérieures annulées. Seuls deux dessins mineurs étaient authentiques. De plus, celui qui se présentait comme le Marquis était en fait un ami de Williams nommé George Saunders.
Les expositions américaines, dont le but était de donner une provenance aux œuvres, auraient dû être suivies de “la création de reproductions destinées à la vente, comme l’étaient également les tableaux”. La saisie a mis fin à tout espoir de vendre la collection, mais un groupe d’investisseurs irlandais avait déjà déboursé 108 000 livres pour lancer la fabrication des reproductions, qui n’ont jamais vu le jour. Selon le juge, Williams avait pour dessein de “garder une partie de l’argent investi par les Irlandais, en le replaçant de façon plus avantageuse”. La seconde étape de l’escroquerie portait sur 26 tableaux de la collection Saloschin et cent lots de reproductions des œuvres expressionnistes : ils devaient être achetés 5,25 millions de dollars (31 millions de francs) à la société Saloschin, enregistrée au Liechtenstein, avant d’être revendus le double aux clients d’un cabinet d’avocats en Malaisie, mais ne valaient guère que 9 000 livres.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Affaire von Saloschin, les tableaux étaient faux
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°67 du 25 septembre 1998, avec le titre suivant : Affaire von Saloschin, les tableaux étaient faux