Justice

Affaire Gurlitt : la Cour d’appel de Munich tranche en faveur du Musée des beaux-arts de Berne

Par Isabelle Spicer (Correspondante à Berlin) · lejournaldesarts.fr

Le 15 décembre 2016 - 815 mots

BERLIN (ALLEMAGNE) [15.12.16] - La Cour d’appel de Munich a confirmé en appel la capacité à tester de Gurlitt. La cousine du collectionneur allemand a exprimé sa déception, et se réserve la possibilité d’entamer d’autres recours juridiques.

La Cour d’appel de Munich a confirmé le 15 décembre 2016 la capacité à tester de Cornelius Gurlitt. Elle confirme ainsi le Musée des beaux-arts de Berne comme légataire universel du collectionneur allemand.

Cornelius Gurlitt, décédé le 6 mai 2014, avait désigné dans deux testaments, le Musée des beaux-arts de Berne légataire universel de ses biens. Environ 1 500 œuvres d’art figurent dans ce legs, parmi lesquelles environ un tiers d’œuvres d’art dégénéré saisies par les nazis dans les musées allemands, et un autre tiers sur lequel pèse le soupçon d’avoir été spolié à des familles juives.

Uta Werner, la cousine de Gurlitt, a contesté fin 2014 le testament en soumettant une expertise psychiatrique réfutant sa capacité à tester : Gurlitt avait déjà été placé sous tutelle au moment où il l’avait rédigé. Le tribunal administratif de Munich avait tranché en faveur du Musée des beaux-arts de Berne en mars 2015. L’affaire a été portée devant la Cour d’appel de Munich.

Le Sénat de la Cour d’appel a justifié la décision de justice en affirmant qu’il n’avait pu être persuadé que Gurlitt souffrait de démence au moment où il a rédigé le testament le 9 janvier 2014, malgré quelques signes de troubles cognitifs.

La ministre fédérale de la Culture, Monika Grütters, s’est réjouie de cette décision, qui va permettre de régler de manière transparente et rapide les cas de spoliation par les nazis d’œuvres retrouvées dans le trésor de Munich. Par ailleurs, « la voie est enfin libre pour la planification d’une exposition commune du Musée des beaux-arts de Berne et de [la Kunsthalle] de Bonn », s’est-elle félicitée. Cette exposition de la collection Gurlitt permettra d’éclairer le contexte de l’époque, la politique culturelle nazie, les spoliations qui ont touché majoritairement des familles juives, ainsi que l’art dégénéré.

Monika Grütters s’est enfin réjouie que l’accord conclu entre le Musée des beaux-arts de Berne, l’Etat fédéral allemand et le gouvernement du Land de Bavière pourra être appliqué plus facilement. La recherche sur la provenance du Trésor de Munich se poursuivra en Allemagne, et seuls les œuvres libérées de tout soupçon de spoliation seront acceptées par le Musée des beaux-arts de Berne. La clôture de la procédure d’appel facilitera également la restitution d’œuvres spoliées.

Ute Werner, la cousine de Gurlitt, s’est déclarée déçue pour deux raisons : selon elle, Cornelius Gurlitt était peu avant son décès toujours animé par l’obsession de protéger ses œuvres de la menace nazie, qui dans son imagination était toujours présente. Le fait qu’il n’ait vu comme seule solution que de confier sa collection en Suisse est une preuve de son état de confusion au moment où il a rédigé son testament. Par ailleurs, « une grande partie de la collection représente une partie de l’histoire allemande, qui nous rappelle une époque épouvantable », déclare Ute Werner. Elle aurait souhaité que la collection puisse rester en Allemagne et être confiée à des musées et chercheurs allemands.

Le porte-parole d’Ute Werner a ajouté que la famille allait réfléchir sur d’éventuels recours juridiques possibles. La Cour d’appel de Munich précise qu’une procédure civile est toujours possible auprès d’un tribunal civil du Land de Bavière.

Le Musée des beaux-arts de Berne a accueilli la décision de justice « avec joie – mais aussi soulagement –». Cette décision va notamment permettre au musée de soutenir financièrement les efforts de recherche sur la provenance initiés par le gouvernement fédéral allemand. Le musée « s’est depuis longtemps engagé à lui apporter une contribution financière mais seule son institution comme héritier juridiquement protégée peut autoriser son versement. ». Le musée ajoute par ailleurs qu’ « un grand nombre d’œuvres ont déjà fait l’objet de recherches concernant leur provenance et une bonne part d’entre elles est exempte de soupçon de spoliation ».

Parmi celles-ci figurent des œuvres sur papier, en couleur, émanant d’artistes de la Nouvelle Objectivité (Tête de sape d’Otto Dix, L’Infirmière de George Grosz), ainsi qu’un important ensemble d’excellente qualité d’aquarelles et de gouaches produites dans l’entourage des groupes allemands de Die Brücke (Portrait d’homme d’Erich Heckel, Paysage d’hiver de Karl Schmidt-Rottluff, Submersion d’Emil Nolde) et du Blaue Reiter : des « œuvres magistrales » de Franz Marc (Cheval couché, Chevaux dans un paysage), d’August Macke (Dans le jardin du château d’Oberhofen) et de Vassily Kandinsky (Suspension pesante). Le musée précise également que parmi les œuvres pour lesquelles les recherches n’ont pas encore livré de conclusion définitive se trouvent « quelques peintures d’importance historique majeure, en particulier un tableau de Paul Cézanne mais aussi des peintures de Paul Gauguin, Claude Monet et Auguste Renoir, notamment ».

Information

Version mise à jour le 19 décembre 2016 avec des commentaires du Musée de Berne

Légende photo

Le Musée des beaux-arts de Berne © Photo Kunstmuseum Bern - 2014 - Licence CC BY-SA 3.0

Thématiques

Tous les articles dans Actualités

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque