NEW DELHI / INDE
Sayed Haider Raza, l’un des pionniers de l’art contemporain indien, s’est éteint le 23 juillet, à l’âge de 94 ans.
Le temps a fait son œuvre : Sayed Haider Raza n’est plus. D’après son ami le poète Ashok Vajpeyi, le peintre inspiré aurait rendu son dernier souffle aux alentours de 11h, samedi dernier, après avoir passé deux mois en soins intensifs dans un hôpital privé de New Delhi. Il rejoint ainsi sa femme, feue l’artiste française Janine Mongillat (1929-2002), qui n’est pas sans avoir renforcé ses liens, déjà puissants, avec l’Hexagone.
Né en 1922 dans le Madhya Pradesh, Etat du centre de l’Inde où il a demandé à être enterré, Sayed Haider Raza étudie l’art et la poésie à Nagour (1939-1945) et Bombay (1945-1948), avant de rejoindre l’École des beaux-arts de Paris, en 1950. Sans bourse, le diplômé trentenaire économise afin d’acheter du matériel de qualité, plutôt que de refaire sa garde-robe. Sur les conseils d’Henri Cartier-Bresson, rencontré peu avant sa venue en France, il se penche sur les compositions de Cézanne, pour se tourner progressivement vers l’abstraction. Couronné du Prix de la critique en 1956, il se voit exposé, deux ans plus tard, à la galerie Lara Vincy, rue de Seine.
L’Inde reste malgré tout très présente dans son œuvre. Dans les années 1980, après un exil volontaire de près de soixante ans, Raza décide de renouer avec ses racines. Un retour aux sources qui confirme son statut de pont entre divers continents, civilisations, voire religions. Son intérêt se porte alors sur le tantrisme, en tant que modèle d’unité. Calvaires bretons et temples hindouistes cohabitent en parfaite harmonie dans ses créations. Sa palette cézanienne embrasse et embrase des formes géométriques évoquant le « bindu », cette origine du monde que les Indiennes arborent souvent, sous forme de point rouge, sur leur front. Le pluralisme s’estompe sur la route qu’il emprunte et préconise vers le nirvana. Un et un ne font plus deux, mais un. L’artiste redécouvre le patrimoine culturel de son pays, la poésie, la musique et la danse indiennes...
Ces nouvelles pistes, il les creuse à distance, avant de rentrer définitivement au bercail, en 2010. Ses dernières années en France, Raza les partage entre son atelier parisien et sa résidence secondaire de Gorbio, village perché sur les hauteurs de Menton, auquel il cède un ensemble de toiles évalué à 10 millions d’euros, en 2008. Cette donation comporte, outre une partie de sa collection, des travaux personnels qui accusent, là encore, son biculturalisme.
Son œuvre des plus syncrétiques lui vaut maintes récompenses au fil des ans. Nommé commandeur de la Légion d’honneur en 2015, il doit également au gouvernement indien de prestigieuses distinctions telles que le Padma Shri (1981), le Padma Bhushan (2007) et le Padma Vibhusan (2013), qui témoignent de son influence croissante sur la scène artistique internationale.
Fer de lance du Progressive Artist Group, qu’il cofonde en 1948 contre le traditionalisme de l’École du Bengale, Sayed Haider Raza est devenu, en quelques années seulement, l’un des artistes indiens les plus connus et, par là même, cotés de sa génération. En 2005, La Terre, une huile datant de 1984, est achetée 196 418 euros par une galerie américaine chez Artcurial, à Paris. Une semaine plus tard, Le Village, un tableau de 1998 estimé 40 000 euros, secoue le Landerneau des ventes, en atteignant l’enchère la plus élevée (303 200 euros) chez Christie’s. L’année qui suit, à Drouot, deux de ses acryliques sur toile, Sans titre, 77 et La Terre, 71, sont adjugées pour respectivement 158 000 et 79 000 euros (prix d’origine : 45 000 et 35 000 euros). Puis, chez Christie’s, une toile de 1975 atteint la somme sommet de 744 000 euros. Enfin, 2010 bat tous les records : la collectionneuse Kiran Nadar débourse 2,3 millions de livres sterling, soit presque trois millions d’euros, pour une pièce de Raza.
Ainsi, grâce à ce génie de la plastique « fusion », l’art contemporain indien s’est progressivement ouvert au reste monde.
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L’artiste indien Sayed Haider Raza est décédé
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