États-Unis - École d'art

Le président de la Cooper Union démissionne après une controverse sur les frais de scolarité

Par Julie Paulais · lejournaldesarts.fr

Le 12 juin 2015 - 865 mots

NEW YORK (ETATS-UNIS) [12.06.15] – Pris dans des luttes intestines le président de la Cooper Union, qui a formé de nombreux artistes, a annoncé sa démission mercredi. Un jour plus tôt cinq membres du conseil d’administration qui le soutenaient ont également démissionné.

Jamshed Bharucha, le président de la Cooper Union for the Advancement of Science and Art ou Cooper Union, un établissement d'enseignement supérieur de Manhattan, a annoncé mercredi dans un mail intitulé « Presidential Transition », qu'il quittera ses fonctions à la fin du mois de juin. Jamshed Bharucha était président de cette école prestigieuse depuis quatre ans. Il servira dorénavant en tant que chercheur invité à la Graduate School of Education à l'Université de Harvard et sera tout de même nommé président émérite de la Cooper Union à partir du 1er Juillet.

« L'objectif de ma présidence a été de sécuriser les finances de Cooper pour des générations d'étudiants méritants à l'avenir, tout en préservant l'excellence et l'amélioration de l'accès socio-économique », a déclaré Bharucha dans son courriel aux membres du corps professoral de la Cooper Union. En réponse, le conseil d'administration a nommé le vice-président pour les finances et l'administration, William Mea, président provisoire à partir du 1er juillet. Le conseil va également former un comité de recherche constitué de membres du corps professoral, d’étudiants et d’anciens élèves à l'automne.

L'annonce de sa démission est arrivée seulement un jour après que cinq administrateurs, sur les 23 composant le conseil de la Cooper Union, aient également démissionné à l’unisson. Il s’agit de François De Menil, architecte, de Mark Epstein, ancien président du conseil d'administration et directeur immobilier, de Catherine Hill, présidente du Vassar College, de Daniel Libeskind, architecte et Monica Vachner, banquier d'investissement.

Ces départs interviennent à un moment critique pour la Cooper Union, au cœur d’une polémique depuis 2011, lorsque le président Bharucha avait annoncé que des frais de scolarité seraient prélevés aux nouveaux étudiants en raison de la situation financière désastreuse de l’établissement. Cela a eu lieu pour la première fois depuis la création de l’école à l’automne 2014.

Les étudiants et les anciens élèves ont lancé plusieurs actions depuis 2011 pour protester contre le paiement de frais de scolarité. En 2013, ils avaient occupé le bureau de Jamshed Bharucha pendant plus de deux mois. Le 27 mai 2014, le comité Save Cooper Union, constitué d'anciens élèves, étudiants admis et professeurs, a lancé une poursuite auprès de la Cour suprême de l'État de New York contre la Cooper Union. Ils dénoncent la mauvaise gestion financière de l’école et le fait que le conseil d'administration n’ait pas exploré pleinement les alternatives possibles à l’instauration de frais de scolarité. Parmi les griefs cités dans la plainte, la construction du nouveau bâtiment de l'école en 2009 et les dépenses extravagantes pour la fête d’inauguration qui ont coûté respectivement 167 millions de dollars et 350 000 dollars. A la fin du mois de mars, une enquête du procureur général Eric Schneiderman a été lancée pour examiner les finances de l’établissement. Selon le rapport, les déficits cumulés entre 1990 et 2012 ont dépassé 300 millions de dollars.

Les administrateurs démissionnaires étaient tous des défenseurs des frais de scolarité et partisans de Bharucha. Leurs lettres ont été publiées mardi 9 juin sur un blog géré par trois membres du corps professoral de la Cooper Union qui s’opposent à l’action du comité Save Cooper Union. Mark Epstein déclare ainsi que « si les écoles font faillite à l'avenir, cela ne sera pas en raison du changement dans la politique de bourses (une partie importante du plan de viabilité) comme certains le clament. Ce sera à cause de l'opposition organisée contre elle ».

Trois autres membres du conseil d’administration également partisans du plan mis en place par Bharucha, ont réagi dans une lettre ouverte publiée sur le même blog : « face a une petite mais bruyante communauté de protestataires belliqueux qui refuse de faire les calculs, et un procureur général trop zélé, le conseil a perdu ses meilleurs et plus brillants leaders ».

La Cooper Union a été fondée en 1859 par l'industriel Peter Cooper avec pour objectif de donner à des jeunes talentueux une bonne éducation « ouverte et gratuite pour tous », où la discrimination fondée sur l'appartenance ethnique, la religion ou le sexe est interdite. L'établissement, un des plus sélectifs des Etats-Unis, s’est par la suite scindé en trois écoles distinctes : la School of Art, la Irwin S. Chanin School of Architecture, et la Albert Nerken School of Engineering. Sa riche histoire rivalise avec les traditions des collèges les plus renommés des Etats-Unis : Abraham Lincoln y a donné en 1860 ses discours anti-esclavagistes, Thomas Edison et Felix Frankfurter y étudièrent, et c'est dans cet établissement que le National Association for the Advancement of Colored People ainsi que le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge furent créés. Une part très importante du budget de l'école repose sur des dons provenant de puissantes associations d'anciens élèves, tant dans le secteur public que privé. L'école d'architecture et d'art a formé de nombreux artistes et architectes renommés, comme Tom Wesselman, George Segal, Herb Lubalin, Eva Hesse, John Hejduk, Chuck Hoberman, Daniel Libeskind ou Milton Glaser.

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Le bâtiment de la Cooper Union Foundation construit en 1853-1859 par Frederick A. Peterson © Photo David Shankbone - 2007 - Licence CC BY-SA 3.0

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