PARIS [03.12.14] - Mr Turner, qui sort mercredi 3 décembre en salle, décortique, sans grande invention, les ambiguïtés du plus visionnaire des paysagistes anglais. Portrait d'un personnage peu ragoûtant mais supérieur à tous les autres artistes, selon le réalisateur Mike Leigh.
Avec Mr Turner, le cinéaste britannique Mike Leigh a rempli le cahier des charges de la biographie d’artiste portée à l’écran. Signant un film strictement chronologique - de la perte du père en 1829 à la mort de l’artiste en 1851 - le film déroule les dernières années de l’illustre paysagiste anglais, entre reconstitutions historiques très documentées et séquences immersives.
L’œil se délecte mollement devant un univers visuel sans surprise, peuplé de costumes soignés et d’intermèdes paysagers en plan fixe rappelant les toiles du maître. Seule la musique dissonante vient déranger le formalisme sans esbroufe (ni audace) d’un film qui tirera plutôt sa substance du portrait psychologique du personnage principal.
Qui est donc ce Joseph Mallord William Turner vieillissant que la caméra accompagne 2h30 durant ? Un homme rustre, patibulaire, disgracieux, dont Mike Leigh a voulu –au travers de la figure rustique de l’acteur Timothy Spall qui a raflé le prix d’interprétation masculine à Cannes- montrer toute l’ambivalence. Tantôt asocial, ne s’exprimant qu’à coups de sons gutturaux, tantôt maître éloquent, apostrophant les toiles de ses confrères de la Royal Academy of Arts de jugements de professeur un peu grivois, Turner est un être multiple. Allergique à ses enfants et meurtri par la mort de son père, il n’en reconstruit pas moins un nouveau foyer avec Mrs Booth, compagne des derniers jours. Toujours en mouvement, battant le pavé et la campagne armé de son éternel parapluie et d’un carnet de croquis, Turner n’abandonne en outre jamais la partie artistique, ouvrant les bras à la révolution industrielle comme sujet pictural et le chemin vers l’impressionnisme tout en sachant reconnaître la grandeur du génial prédécesseur Claude Gellée Le Lorrain.
Ce portrait, qui n’en finit pas de gratter la surface d’un personnage peu séduisant jusqu’à la caricature, révélant des puits de lumière sous les crachats dont il agrémente copieusement ses œuvres, transpire d’admiration pour l’artiste. Quel visionnaire comparé aux membres du sérail artistique que le film traite comme des faire-valoir ! Tandis que le collectionneur et critique d’art John Ruskin apparaît comme un individu arrogant et bête, le peintre Benjamin Robert Haydon végète dans une peinture d’histoire réactionnaire en cherchant querelle à tout le monde. Constable n’en sort pas grandi davantage, transi de vexation devant les audaces formelles de son concurrent. « Je trouve son travail plus limité, moins audacieux et moins profond que celui de Turner », expliquait Mike Leigh dans un entretien donné au Journal des Arts en novembre 2014.
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Mr. Turner, un biopic trop conventionnel
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Abonnez-vous dès 1 €Sortie le 3 décembre, réalisé par Mike Leigh, 2h29, 2014 avec Timothy Spall, Marion Bailey
Légende Photo :
Mr.Turner (2014) © Simon Mein – Thin Man Films
Affiche de Mr.Turner © Simon Mein – Thin Man Films