LONDRES (ROYAUME-UNI) [21.10.14] - La double manifestation londonienne s’homogénéise et attire toujours un public qualitatif.
Franco Noero (Turin) n’en revenait pas : « Depuis onze ans c’est la première fois que le sol est droit, et cela fait une énorme différence ! », s’exclamait-il à l’ouverture de la 12e édition de Frieze London, qui s’est tenue du 15 au 18 octobre. L’assagissement progressif de la foire constaté depuis deux ans qu’a été lancée Frieze Masters s’est encore poursuivi, avec une architecture plus lumineuse et des exposants qui sont rentrés dans le rang, en termes d’accrochages mais pas vraiment de propositions. Car du point de vue strictement qualitatif, c’est toujours un niveau global assez moyen qui a caractérisé le salon, avec beaucoup de formules éprouvées et partout comme une agaçante nécessité de l’immédiateté de la lecture, et des stands souvent moins bien sentis et pensés que dans d’autres foires ; à l’instar de celui de David Zwirner (New York, Londres) sur lequel trois solo de Francis Alÿs, Wolfgang Tillmans et Oscar Murillo sonnaient creux. Si souvent l’œil glissait tout en peinant à se fixer sur quelque chose, les prix eux arrêtaient, avec beaucoup de sommes autour d’un palier de 20-30 000 dollars demandées pour des artistes jeunes et aux CV assez maigres, lorsque par exemple The Box (Los Angeles) proposait entre 8 et 25 000 dollars des œuvres de Barbara T. Smith exécutées avec un photocopieur en 1965-1966 : cherchez l’erreur !
Mais comme les années se suivent et ne se ressemblent pas forcément, c’est la section Focus dédiée aux jeunes enseignes, souvent médiocre, qui a là constitué une très belle surprise. Curatée par le Suisse Raphael Gygax, elle faisait montre d’une belle inventivité sans céder aux pressions de la branchitude ou des clichés, laissant s’enchaîner des propositions pertinentes sur les stands de Gregor Steiger (Zürich), Dan Gunn (Berlin), Leo Xu Projects (Shanghai) ou Jaqueline Martins (São Paulo) entre autres.
Mais la force de Frieze demeure sa clientèle et la qualité de son visitorat. Tropisme anglo-saxon oblige, un très imposant contingent de curateurs et directeurs d’institutions américains arpentait les allées, dont la plupart restaient deux semaines en Europe afin d’enchaîner avec la Fiac. Sa nature géographique continue en outre d’attirer des acheteurs de tous bords aux motivations très diverses, avec parmi eux nombre de collectionneurs poids lourds. Guillaume Sultana (Paris), qui a cédé des pièces d’Olivier Millagou et Naufus Ramirez-Figueroa à San Francisco, Los Angeles, Phoenix et São Paulo se félicitait de « la qualité du public et des collectionneurs, avec des prises de contact rapides et faciles. » Tandis que Chantal Crousel (Paris) relevait que « Londres est une ville d’argent, il ne faut pas s’en cacher, ce qui amène un mélange de collec-tionneurs et d’investisseurs. C’est un lieu où les russes et les gens originaires du Moyen-Orient notamment se sentent bien, et où il n’y a pas de barrière de la langue comme en France ; la foire offre des propositions diverses à cette multiplicité. » Si nombre de marchands se sont commercialement montrés satisfaits, certains, à l’instar de Thomas Krinzinger (Vienne), ont relevé que « Frieze Masters attire un nouveau public très international qui achète aussi du contemporain. »
Pour sa troisième édition cette dernière a continué de tracer son sillon de l’excellence, avec la diversité d’époques et de langages qu’on lui connaît désormais et qui la rend si singulière dans les relations qu’il est possible d’y établir.
L’une des attractions du salon fut l’immanquable stand de Helly Nahmad (Londres), reconstitution imaginaire de l’appartement d’un expatrié italien installé à Paris en 1968, dans le désordre duquel émergeaient Morandi, Fontana, Burri, Picasso ou Dubuffet. Remarquables étaient aussi les pièces majeures de l’Arte povera exposées par Marian Goodman (New York, Paris, Londres), ou les maîtres coréens de l’abstraction – Young-woo Kwon, Seo-Bo Park, Hyongkeun Yun… – par Blum & Poe (Los Angeles, New York).
Mais contrairement aux bruits urbains, un exposant de la première heure relativisait le succès commercial de la manifestation, en confiant que « les deux premières éditions n’ont pas été un délire commercial, mais cette foire est très bien pour l’image et cela installe quelque chose de nouveau ».
Il sera intéressant de voir comment Victoria Siddall, sa directrice qui prend également les commandes de Frieze London et New York après le retrait de ses fondateurs Matthew Slotover et Amanda Sharp, fera évoluer l’ensemble.
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A Frieze, le business prime sur l’inventivité
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Abonnez-vous dès 1 €Le stand de la galerie Nahmad, à Frieze Masters, Londres. © Photo : Stephen Wells/Frieze.