L’Afrique, plus que l’Occident, doit subir le pillage de ses trésors, que des moyens insuffisants empêchent de combattre efficacement. D’autant plus que les pays doivent agir sur deux fronts : les musées et les sites archéologiques. Le Nigeria, dont les richesses artistiques attisent les convoitises, a connu ces dernières années une série de vols dans ses musées, rendus possibles par une chaîne de complicités.
D’après Yaro Gella, directeur général de la Commission nationale des musées et des monuments, les musées du Nigeria livrent un “combat truqué” aux voleurs. Il met en cause des associations de malfaiteurs, bénéficiant de complicités à plusieurs niveaux. Le personnel des musées apporte sa contribution contre des “honoraires”. Ensuite, des gangs commettent les vols, des “pontes locaux” assurent la réception et le transport du butin, et des contrebandiers font sortir les objets volés du territoire nigérian. En fait, ce sont des collectionneurs européens et américains qui, “en général, commanditent les vols”, allant même jusqu’à passer leurs commandes directement à partir des catalogues des musées ou des expositions. Au cours des quatre dernières années, la plupart des grands musées nigérians ont fait l’objet de cambriolages, plusieurs fois pour la plupart. En voici quelques exemples.
Musée d’Ife
Le 13 mars 1993, dix œuvres sont dérobées dans la réserve du musée. Les voleurs sont tout simplement entrés par la fenêtre. Le 19 avril, soit un mois plus tard, des cambrioleurs pénètrent dans l’enceinte du musée en passant par la même fenêtre et emportent treize objets. Le 11 novembre 1994, trente-quatre pièces sont volées, parmi lesquelles vingt-cinq figurines en terre cuite. Trois de ces objets retrouvés en France ont été renvoyés au Nigeria en mai 1996. Six autres sont ensuite retrouvés en Suisse, où ils sont identifiés par le marchand zurichois René David, de la Galerie Walu. Il en informe les autorités nigérianes et les remet de son plein gré à l’ambassadeur Ola Abiola le 3 octobre dernier. Parmi ces pièces figurent une tête de bronze vieille de 400 ans (Ori-Ide) et trois terres cuites. Selon Yaro Gella, une autre tête de bronze est “cachée dans un pays voisin sous la garde d’un haut fonctionnaire de police”, sous-entendu un chef de la police togolaise.
Musée d’Esie
Le 25 mars 1993, douze importantes figurines en stéatite et un masque en bois sont volés. Un autre vol a lieu le 13 mai 1995 : les cambrioleurs arrivent dans un véhicule “officiel” depuis un pays voisin, droguent les gardiens et emportent vingt et une pièces, également en stéatite. Yaro Gella pense que ces objets sont aujourd’hui en Suisse.
Musée d’Abeokuta
Le 20 novembre 1994, des voleurs dérobent trente-trois objets dans la réserve du musée, avec la collaboration tacite des gardiens : le premier est allé faire la fête, l’autre a oublié de prendre son tour de garde. Aucun objet n’a été retrouvé.
Musée d’Owo
Un gardien est tué lors de l’attaque du musée le 28 mai 1993 ; quatre bracelets et pendentifs sont dérobés. Le 2 mai 1996, une nouvelle expédition est menée contre le musée : deux gardiens, blessés à coup de machette, sont hospitalisés ; vingt-deux objets sont volés. La Davis Gallery, à La Nouvelle-Orléans, a informé Yaro Gella qu’elle était en possession d’une tête de bélier qui pourrait provenir d’Owo. Des pourparlers sont en cours.
Musée de Jos
Le 4 janvier 1994, six pièces – parmi lesquelles trois déesses de la fécondité Eloyi – sont dérobées lors d’une opération qui semble avoir été menée “de l’intérieur”. Trois mois plus tard, le 15 avril, vingt et un objets disparaissent. Six pièces sont retrouvées un peu plus tard à Ibadan, mais Yaro Gella pense que d’autres seraient déjà aux États-Unis.
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Vols en série dans les musées du Nigeria
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°52 du 16 janvier 1998, avec le titre suivant : Vols en série dans les musées du Nigeria