Massachusetts

Une aile pour les Amériques

Le Museum of Fine Arts de Boston vient d’inaugurer une extension intégralement consacrée aux arts du Nouveau Monde

Le Journal des Arts

Le 16 novembre 2010 - 983 mots

BOSTON - « Nous sommes le plus grand musée privé des États-Unis », a récemment déclaré Malcolm Rogers, le directeur du Museum of Fine Arts (MFA) de Boston.

Contrairement à d’autres grandes institutions du pays, « nous ne recevons rien de la Ville, et quasiment rien de l’État [du Massachusetts] », a-t-il expliqué. Doté d’une collection allant de l’Égypte ancienne à l’art contemporain et d’une école d’art dont Ellsworth Kelly, Jim Dine et Nan Goldin sont d’anciens élèves, le MFA vient de s’agrandir d’un tiers.  Le 20 novembre devait être inaugurée une aile composée de quatre niveaux, abritant cinquante-trois galeries d’art des Amériques. Ce nouvel édifice réunit sous le même toit l’art de l’Amérique du Nord, du centre et du Sud. Parmi les 5 000 pièces présentées, les visiteurs peuvent y découvrir des acquisitions récentes, comme le Portrait de don Manuel José Rubio y Salinas, archevêque de Mexico (1754) par Miguel Cabrera, mais aussi un masque olmèque, des tissus navajos et des œuvres plus familières, telle l’emblématique Watson et le requin (1778) de John Singleton Copley. Frustré par le nombre réduit de mécènes bostoniens prêts à commander des tableaux autres que des portraits, John S. Copley avait fait cap sur Londres dans l’espoir de filer des jours meilleurs. Malcolm Rogers a fait le trajet inverse en 1994, en quittant la National Portrait Gallery de Londres pour Boston, dans l’objectif de redonner vie à une vénérable institution habituée à vivre au-dessus de ses moyens. Il découvrit avec stupeur que la donation la plus élevée faite au musée avant son arrivée atteignait à peine 2 millions de dollars. Seize ans plus tard, les efforts fournis pour lever des fonds ont abouti à l’édification de cette nouvelle aile (d’un coût de 345 millions dollars, 244 millions d’euros). Un surplus de 159 millions de dollars – dont un million a été obtenu avec la location de vingt et un tableaux de Monet à la Bellagio Gallery of Fine Art à Las Vegas en 2004 – a été attribué au fonds de dotation du musée. L’heure n’est cependant pas à l’autosatisfation : « Nous sommes à un point critique, souligne Malcolm Rogers, et nous dépendons des chiffres d’entrée. » La nouvelle aile propose un panorama de l’art du continent américain. « Nous avons réussi à intégrer l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud ; nous espérons que les collectionneurs nous aideront à renforcer [ces collections] », avance-t-il. La Fondation Cisneros, basée à New York et Caracas, fait partie des prêteurs qui ont temporairement confié des objets destinés à combler les manques. 

Neuf « period rooms » disséminées
L’équipe de conservateurs responsable de cette aile a été menée par Elliot Davis, chef du département des arts des Amériques. D’après lui, l’exposition de 2003 portant sur l’art de l’ère coloniale, qui abordait la culture du Nord au Sud, a permis à l’équipe de se concentrer sur le grand défi qui l’attendait. La manière dont le mobilier, la peinture et les arts décoratifs pouvaient interagir a été leur préoccupation principale. 
Au terme d’une collaboration étroite avec les architectes, les responsables ont conçu un plan pour chaque étage de l’édifice, dont les galeries centrales forment la colonne vertébrale. Celles-ci sont bordées de salles plus petites, aux accrochages plus resserrés. Ainsi, une salle livrant un aperçu de l’art du Boston colonial, où figure l’objet phare qu’est la Coupe des fils de la Liberté (1768) de Paul Revere, donne sur une petite galerie abritant des œuvres de John Singleton Copley. Comme l’explique Elliot Davis, ces espaces adjacents se concentrent sur des périodes, des styles ou des mouvements spécifiques. 
Neuf period rooms [reconstitutions de salles historiques originales] sont disséminées au fil des galeries de peinture et d’arts décoratifs. Elles comprennent moult informations sur leurs anciens propriétaires et la manière dont ils déployaient leurs richesses et leur goût à travers la décoration intérieure et le mobilier.
Les quatre niveaux sont organisés de manière chronologique. Ils débutent avec un mélange d’art précolombien et d’objets de luxe de l’ère coloniale, pour s’achever au dernier étage avec l’art et le design du XXe siècle, auxquels s’ajoutent des accrochages temporaires de photographies, d’estampes et de dessins. Enfin, quatre espaces interactifs dévoilent aux visiteurs l’histoire des collections et la façon dont le musée conserve ses œuvres.

Foster après I. M. Pei

Chaque fois qu’il a eu besoin de s’agrandir, c’est vers I. M. Pei que le Museum of Fine Arts de Boston s’est tourné. En 1981, l’architecte sino-américain a dessiné l’aile ouest, qui accueille des espaces d’expositions temporaires, des restaurants et une boutique. Le directeur Malcolm Rogers et les administrateurs ont cette fois confié à Foster and Partners la création d’une aile consacrée aux arts des Amériques. Au final, trois pavillons sobres alliant le granit et le verre ont été pensés pour s’unir avec l’édifice historique du musée de style classique. « Nous avons choisi Foster car il a l’habitude de créer un équilibre magique entre l’ancien et le neuf, explique Malcolm Rogers. Ce n’est pas un bâtiment sensationnaliste conçu pour attirer les foules. »
Norman Foster, dont les réalisations muséales incluent le Carré d’art à Nîmes, la cour d’honneur du British Museum, les galeries Sackler de la Royal Academy of Arts à Londres ainsi que la National Portrait Gallery à Washington, D.C., n’est pas réputé pour sa palette détonante. Le MFA est une exception. « Aucune des galeries ne semble sortir de la même usine, rapporte Malcolm Rogers. Les couleurs vibrent et sont exaltantes – c’est un nouveau romantisme pour Foster. Il est inimaginable d’avoir 53 galeries peintes en blanc ou gris pâle. » Inspiré par la symétrie du bâtiment historique, le plan de sol aide les visiteurs à se repérer et à trouver leur chemin vers les autres parties du musée. La prochaine étape est la rénovation de l’aile ouest. Rebaptisée « Linde Family Wing » et consacrée à l’art contemporain, elle doit rouvrir ses portes au mois de septembre 2011.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°335 du 19 novembre 2010, avec le titre suivant : Une aile pour les Amériques

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