Une ancienne chapellerie renaît de ses cendres sous la forme d’un musée destiné à sauvegarder la mémoire ouvrière et les savoir-faire industriels du passé.
CHAZELLES-SUR-LYON - C’est sur le site, entièrement réhabilité, de l’ancienne usine Fléchet, en bordure de la petite commune de Chazelles-sur-Lyon (Loire), à 30 kilomètres de Saint-Étienne, que la Chapellerie, atelier-musée du chapeau, a ouvert ses portes au début du printemps.
Pendant plusieurs siècles, Chazelles-sur-Lyon a vécu de sa production de chapeaux de feutre de poil de lapin, avec une période particulièrement faste au début du XXe siècle où elle fournissait les grandes maisons de luxe tels Nina Ricci, Yves Saint Laurent ou Givenchy. L’industrie commence à péricliter dans les années 1950 lorsque les nouvelles modes ne font plus du couvre-chef un accessoire indispensable de la garde-robe. Les premières usines ferment leurs portes dans les années 1960. La maison Fléchet dépose le bilan en 1977. Un premier musée du chapeau est créé dès 1984 à Chazelles ; petite structure devenue vite obsolète. À la fin des années 1990 un projet voit le jour pour transformer le musée et sauvegarder les savoir-faire de l’industrie du chapeau sur le site de l’usine Fléchet. Le cabinet Pierre Vurpas est désigné pour transformer cette manufacture érigée en 1902, typique des architectures industrielles du début du XXe siècle avec ses façades percées de grandes baies vitrées pour éclairer les ateliers. Composé de différents bâtiments en granit surmontés de grandes toitures de tuiles rouges, le site s’organise autour d’une cour carrée et de la chaufferie qui dispensait la vapeur dans tous les ateliers, facilement identifiable par sa haute cheminée de briques. Pierre Vurpas et ses équipes ont voulu avant tout préserver l’authenticité du lieu. Ils ont été retenus en prenant le contre-pied du programme initial qui prônait la destruction d’une grande partie des bâtiments très abîmés par des années d’abandon. « Même s’il fallait des interventions lourdes, nous avons conservé un maximum d’éléments originels. En 1900, on construisait avec beaucoup de bon sens. Nous nous sommes donc appuyés sur les structures existantes. Tout le défi résidait dans le dialogue entre l’ancien et les nouveaux éléments. Nous avons voulu une réhabilitation humble qui s’inscrive aussi dans une démarche de développement durable », résume Pierre Vurpas. Les façades ont été nettoyées et réparées ; la charpente métallique, et les châssis extérieurs en acier, conservés, tandis que les toitures ont été refaites à l’identique.
L’atelier comme fil conducteur
Le visiteur pénètre dans l’ancienne fabrique par le grand portail, le même qu’empruntaient jadis les ouvriers. Depuis la vaste cour pavée de granit gris, une passerelle mène au bâtiment principal où se trouve le musée. Pour le parcours permanent aussi, la scénographe Marion Lyonnais s’est attachée à restituer la mémoire ouvrière du lieu. Le fil conducteur est celui de l’atelier, suivant les différentes étapes de la chaîne de fabrication du chapeau. D’imposantes machines qui permettent la fabrication industrielle de la cloche de feutre de poils y sont exposées : la souffleuse, la bastisseuse, l’essoreuse ou la fouleuse peuvent être activées pour des démonstrations en public. Quelques discrets outils multimédias aident à la compréhension des nombreux métiers qui s’affairaient dans les ateliers. Cette première partie s’achève dans la boutique d’un chapelier détaillant. Le second chapitre, dans une ambiance plus tamisée, retrace l’histoire des formes du chapeau, de la fin du Moyen Âge à nos jours, avec des fac-similés pour les périodes les plus anciennes et de beaux originaux à partir du XIXe siècle, perruques, bonnets, coiffes de magistrats ou militaires, pièces de haute couture. Les grandes tendances se dégagent par décennies dans d’élégantes vitrines qui donnent directement accès à la boutique du musée, où sont proposés à la vente les chapeaux confectionnés par la jeune chapelière modiste employée par le musée. La chapellerie est également dotée de 200 m2 d’espaces d’expositions temporaires installés dans l’ancienne chaufferie. L’ancien bâtiment de la Foule accueille, quant à lui, un espace pour des défilés de mode, l’auditorium (d’une centaine de places) et un restaurant. Dans le bâtiment administratif de l’usine (qui avait été transformée en 1931) se trouve, en toute logique, l’administration du musée. Enfin, une construction contemporaine dévolue à cinq ateliers d’artisans créateurs, clôt le site au nord. Cohérent et dynamique, l’ensemble offre un exemple parfaitement réussi de réhabilitation d’un site industriel désaffecté en lieu de mémoire et de création.
Budget : 9 millions d’euros
Surface du musée : 1 800 m2
Architecte : Pierre Vurpas et associés
Scénographe : Marion Lyonnais
Conservatrice : Éliane Bolomier
31, rue Martouret, 42140 Chazelles-sur-Lyon, tél. 04 77 94 23 29, tlj sauf lundi, 14h-18h et en juillet-août 11h-18h30.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Reconversion - Coup de chapeau
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €La Chapellerie Atelier-Musée du Chapeau : chaîne de fabrication du chapeau de poil de lapin au chapeau de feutre - © Photo Pierre Vurpas & Associés Architecte.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°392 du 24 mai 2013, avec le titre suivant : Reconversion - Coup de chapeau