PARIS [15.02.17] - La ministre de la Culture a donné son feu-vert pour poursuivre les études concernant la reconstruction de la flèche de Saint-Denis. La commission nationale des Monuments historiques s’était montrée plus réservée.
Par le biais d'un communiqué, la ministre de la Culture Audrey Azoulay a réitéré aujourd'hui, mercredi 15 février, son soutien au projet de reconstruction de la flèche Nord de la basilique de Saint-Denis, porté par les collectivités locales depuis des années sur un monument dont l'Etat est propriétaire.
La rédaction de ce communiqué a dû être un exercice difficile. Car il s'agissait d'indiquer le feu-vert de la ministre - pour un projet auquel elle est attachée - sans désavouer la commission nationale des Monuments Historiques, qui s'est réunie le 30 janvier pour donner son avis sur la faisabilité du projet. Et qui a été plus que réservée (voir encadré). Huit personnes de cette commission consultative qui rassemble notamment des membres de l'administration du ministère de la Culture et des personnalités qualifiées, ont contesté la légitimité même de reconstruire, à l'identique, la flèche démontée au XIXe siècle (tandis que six ont voté pour et deux se sont abstenues). Au terme de la séance, les membres de la commission ont effectué plusieurs recommandations que le ministère indique avoir décidé de suivre. Elle donne ainsi son accord au lancement d'études, qui doivent entre autres, « attester (..) que le massif occidental de la basilique pourra supporter sans dommage le chantier et poids d'une tour et d'une flèche reconstruite ». Des études qui auraient dû être de toute façon réalisées dans la poursuite naturelle du projet.
« Nous n'avons pas reçu de véto » s'est réjouis Patrick Braouezec, président de l'établissement public territorial Plaine Commune qui porte le projet de reconstruction avec la Ville de Saint-Denis. Il précise toutefois que le montage financier d'un chantier qu'il chiffre à « 10 ou 12 millions d'euros » est « à affiner. » Le modèle économique de cette reconstruction - qui a vocation à donner un coup de projecteur sur Saint-Denis et de mobiliser les Dionysiens autour d'un projet pédagogique majeur - est celui d'un chantier visitable autofinancé, à l'instar de la reconstruction du navire l'Hermione ou du château de Guédelon. Un fonds de dotation a également été ouvert pour récolter du mécénat d'entreprise nécessaire au démarrage des travaux.
Un chantier qui ne coûtera pas un centime d'argent public ? « Les collectivités territoriales pourront donner au bout s'il manque un peu », précise un représentant de l'association « Suivez la flèche », association qui rassemble l'ensemble des partenaires et assure la maîtrise d'ouvrage du projet. Côté Etat, qui finance déjà la restauration des murs de la basilique depuis 2012, le message est clair : il ne donnera rien. C'était d'ailleurs une des conditions de la ministre de la Culture pour valider le projet.
Réunie le 30 janvier, la commission nationale des Monuments Historiques a débattu sur la légitimité d'édifier un faux. Si la flèche a été démontée pierre par pierre en 1846-1847 (après que l'édifice ait été fragilisé par la foudre) sa reconstruction n'utilisera aucune pierre d'origine, qui ont en large partie disparu. Celles qui restent (environ 250, entreposées dans un jardin attenant à la cathédrale ou stockées à l'unité d'archéologie de Saint-Denis) sont trop abimées pour être utilisées, selon les propos de l'architecte en chef des Monuments Historiques Jacques Moulin. Les opposants au projet ont notamment souligné que la construction d'une copie apposée sur un monument historique allait à l'encontre des prescriptions de la Charte de Venise, texte de quelques pages, adopté par l'International Council on monuments and sites (ICOMOS) en 1965 qui donne des orientations larges en matière de conservation et de restauration du patrimoine. Mais la charte de Venise n'interdit pas les restitutions. Si elle explique que « tout travail de reconstruction devra être (...) exclu à priori », elle fait plutôt allusion au cas des ruines archéologiques. Pour les monuments, elle préconise que « les éléments destinés à remplacer les parties manquantes doivent s'intégrer harmonieusement à l'ensemble » précisant que l'emploi du faux doit être identifiable. La charte défend cependant fermement l'invention. « La restauration s'arrête là où commence l'hypothèse, sur le plan des reconstitutions conjecturales », est peut-être le passage le plus célèbre du texte. Les soutiens du projet font valoir le fait que l'état originel de la flèche est largement documenté, par le biais notamment de relevés très précis, conservés à la médiathèque de l'architecture et du patrimoine et réalisés au moment du démontage, et que la reconstruction ne relèverait en rien de l'invention. Le débat continue...
Pierres d'origines de la basilique Saint-Denis stockées dans le jardin attenant au monument, le 9 février 2017 - Photo Margot Boutges pour LeJournaldesArts.fr
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Reconstruction de la flèche de Saint-Denis, le projet continue
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Abonnez-vous dès 1 €Façade de la basilique de Saint-Denis © Photo Thomas Clouet - 2015 - Licence CC BY-SA 4.0
La basilique Saint-Denis en 1844-1845 - © Photo élix Benoist (1818–1896) - 1844 - Photo sous Licence Domaine public CC0 1.0