Selon une étude l’artiste utilisait une marque de peinture qui se dégrade en raison de sa structure atomique.
Étroitement associé à l’histoire du surréalisme, Joan Miró (1893-1983) est célèbre pour ses œuvres aux couleurs vives et aux formes oniriques. L’une des couleurs qu’il employait dans les années 1970 s’est cependant altérée avec le temps, devenant terne et poudreuse : il s’agit du jaune cadmium. Une étude publiée en juillet dans la revue Heritage Science attribue la dégradation des œuvres de Miró, ainsi que celles de Picasso ou encore de Matisse, à une marque spécifique de peinture : Lucien Lefebvre-Foinet.
Commercialisé dans les années 1870, le jaune cadmium est un pigment obtenu à partir de cadmium et de soufre. Dans les ateliers de Miró, on trouve plusieurs tubes de jaunes cadmium, dont le Cadmium Yellow Lemon No.1, produit par le fabricant parisien Lucien Lefebvre-Foinet, considéré comme « de très haute qualité ».
En 2020, Mar Gómez Lóbon, une conservatrice d’art basée à Majorque (Espagne), a étudié les peintures utilisées par Miró après son installation sur l’île, dans les années 1950. Un restaurateur de la Fondation Pilar et Joan Miró lui avait signalé que plus de 25 pièces de la collection de la fondation, peintes dans les années 1970, présentaient des signes de détérioration du jaune.
Pour identifier la cause de ce phénomène et savoir s’il était lié à une marque particulière de peinture, Mar Gómez Lóbon et ses collèges ont prélevé des échantillons microscopiques de peinture jaune cadmium de trois pièces sans titre que Miró a réalisées entre 1973 et 1978. L’équipe a aussi collecté des fragments de peinture provenant de trois tubes de peinture des ateliers Taller Sert et Son Boter de l’artiste, d’une tasse utilisée pour mélanger la peinture et de deux palettes. Chaque échantillon mesurait environ un millimètre.
Les scientifiques ont analysé les neuf échantillons des peintures et des matériaux en mesurant leurs interactions avec différentes longueurs d’onde de la lumière. Cela leur a permis d’examiner la composition chimique et la structure cristalline de chaque échantillon.
Les analyses ont révélé que les échantillons des trois peintures dégradées contenaient tous essentiellement du cadmium et du soufre, comme attendu, avec des traces de zinc. La même composition a été trouvée dans les échantillons de peinture des deux palettes et d’un des tubes de peinture, le Cadmium Yellow Lemon No.1. Ces six échantillons avaient tous une faible cristallinité, c’est-à-dire que les atomes de cadmium et de soufre étaient mal agencés. Cette faible cristallinité rend le pigment plus sensible à l’oxydation par l’air, ce qui provoque une perte de couleur et d’éclat, dégradant les œuvres.
Mar Gómez Lóbon envisage de recenser les centaines de tubes de peinture qui se trouvent encore dans les ateliers de Miró. Elle veut établir la date exacte des tubes Lucien Lefebvre-Foinet et analyser la fabrication de leur peinture, en particulier du jaune cadmium.
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Pourquoi les jaunes de Miró ont-ils perdu leur éclat ?
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