Visé par un plan de redéploiement de l’immobilier universitaire, le Muséum national d’histoire naturelle, à Paris, doit réorganiser ses infrastructures. Alors que la direction se veut rassurante, les personnels de l’établissement dénoncent l’absence d’étude sur les besoins réels du Muséum et la précipitation de ce réaménagement.
PARIS - Lancé dans de grands travaux de réorganisation et de rénovation depuis quelques années, le Muséum national d’histoire naturelle est au cœur d’un nouveau projet initié dans le cadre du plan du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (son ministère de tutelle) pour redéployer l’immobilier universitaire parisien. Le rapport remis sur le sujet fin 2009 par Bernard Larrouturou, ancien directeur général du CNRS, consacre ainsi un important chapitre sur la redistribution de l’îlot Poliveau, dans le 5e arrondissement à Paris.
Cet ensemble d’immeubles et jardins adjacents au Jardin des Plantes, actuellement dévolu au Muséum, est promis, en partie, à l’université Paris-III-Censier. Cette initiative est loin de faire l’unanimité au sein du Muséum où les syndicats et personnels ont fait savoir à la direction leur opposition au projet. Ils redoutent une perte considérable de mètres carrés – alors qu’ils réclament depuis des années des espaces supplémentaires – et une dispersion géographique qui nuirait à leurs activités de recherche. Actée par Matignon en février dernier, avec les accords de la présidente de Paris-III, Marie-Christine Lemardeley, et du directeur du Muséum, Bertrand-Pierre Galey, l’opération, basée sur le rapport Larrouturou, doit commencer en 2012 pour s’achever en 2020.
Des espaces pour Paris-III
Concrètement, l’institution doit céder 10 000 m2 de l’îlot Poliveau à Paris-III, soit les bâtiments abritant le grainetier, l’orangerie, les espaces d’accueil pour les associations ou autres partenaires, la cantine ainsi que des locaux techniques pour les jardiniers. Certains des édifices libérés seront rasés au profit de constructions modernes, d’autres, conservés ou englobés dans des constructions plus grandes, dans un souci d’optimiser la surface constructible. Paris-III disposerait ainsi de quatre bâtiments au sein de l’îlot Poliveau tandis qu’un cinquième édifice, sujet à controverse, doit y être construit. Celui-ci doit d’abord revenir à Paris-III, avant d’être restitué au Muséum en 2020, une fois achevés ses propres travaux.
Cette option comprend le risque, comme le souligne le rapport Larrouturou, que l’université refuse, à terme, de rendre les locaux. « Une convention va être réalisée afin que Censier soit locataire pour une somme symbolique jusqu’en 2020.
Ensuite, s’ils décident de rester, cela risque de leur coûter très cher », affirme Bertrand-Pierre Galey. Il faudra tout de même réadapter un bâtiment, comprenant amphithéâtre, bureaux ou salles de cours, aux exigences des activités du Muséum, soit de nouveaux travaux en perspective. Après avoir essuyé un refus de l’État en 2007 pour un premier plan immobilier sur un modèle partenariat public-privé (PPP), le directeur du Muséum défend son projet : « Avant mon arrivée, en 2002, il avait été décidé que le Muséum céderait, à Paris-III, des bâtiments sans contrepartie. Je me suis battu et j’ai obtenu un arbitrage favorable. Dès 2015, nous récupérerons la même surface et, en 2020, le Muséum bénéficiera d’une réserve foncière de 10 000 m2 supplémentaires [le bâtiment que Paris-III doit rendre en 2020] ».
En contrepartie des espaces perdus, trois nouveaux bâtiments d’une surface totale de 7 000 m2 seraient construits pour le Muséum dans l’îlot Poliveau d’ici à 2015, ainsi que 3 000 m2 de réserves sous la roseraie du Jardin des Plantes. Les 12 000 m2 du bâti insalubre de l’îlot Poliveau, où se trouvent notamment l’anatomie comparée, la géologie ou le département « Homme, nature et société », seraient rénovés pour une enveloppe de 12 millions d’euros (l’opération pourrait débuter en 2011). « Aucune étude précise sur les besoins de l’institution n’a été réalisée en amont, que ce soit pour la construction de réserves ou les rénovations des bâtiments insalubres.
Nous avons des équipements lourds à gérer, des collections très difficiles à déplacer, qui exigent une profonde préparation avant de se lancer dans un chantier pour lequel aucune garantie financière solide n’a été avancée », dénonce un chercheur, faisant état du désarroi général des personnels du Muséum. Bertrand-Pierre Galey se veut rassurant et promet que les laboratoires resteront sur place. Seules quelques collections « encombrantes, sans utilité pour la science, mais plutôt destinées à l’exposition, ainsi que certaines activités taxidermiques » pourraient être amenées à rejoindre des entrepôts en banlieue. « Nous avons sept années de promesses non tenues et le sentiment profond de nous faire mener en bateau.
Si on effectue un vrai bilan, aucune des annonces faites n’a correspondu à la réalité. Nous sommes très inquiets par ce qui nous semble être une grande improvisation d’une direction, qui n’a pas su défendre notre institution », témoignent des personnels. Les syndicats reprochent, en outre, à leur directeur d’avoir agi sans les concerter. « On ne négocie pas avec le ministère à 25 ! Le rapport Larrouturou était confidentiel, mais les résultats obtenus sont avantageux pour le Muséum ! rétorque Bertrand-Pierre Galey, qui se félicite de l’engagement de l’État. Il s’agit d’un chantier énorme, comparable au Grand Louvre. Au total, nous allons dépenser 200 millions d’euros pour cet établissement : 85 millions pour le schéma directeur, 85 millions pour l’îlot Poliveau et 30 millions pour le zoo. »
« Dans la précipitation »
Autres grands projets du Muséum, la rénovation, tant attendue, du zoo de Vincennes, fermé fin 2008, doit démarrer cette année en vue d’une réouverture en 2014, tandis que le nouveau Musée de l’Homme devrait voir le jour en 2013, et le Grand Herbier inaugurer ses nouveaux espaces en 2012. Dans quelques semaines, le Muséum rouvrira au public les serres du Jardin des Plantes entièrement rénovées et réaménagées après cinq années de travaux. Reste à programmer la rénovation des galeries de paléontologie et d’anatomie comparée, dont la fermeture a été reportée malgré les avis de la commission de sécurité de la préfecture.
Pour arriver au bout de ce projet que le directeur qualifie volontiers de « Grand Muséum », l’institution devra aussi céder une partie de son parc immobilier, afin de recueillir des fonds (25 et 30 millions d’euros). « Nous avons le sentiment que tout est fait dans la précipitation pour répondre à certaines pressions politiques », déplorent des personnels. Les fossiles millénaires et autres trésors d’histoire naturelle que conserve le Muséum ne méritent-ils pas, en effet, qu’on leur consacre un peu plus de temps ?
Muséum national d’histoire naturelle – Jardin des Plantes, 57, rue Cuvier, 75005 Paris, tlj sauf mardi et 1er mai, 10h-17h et 18h30 en été, tél. 01 40 79 54 79
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Malaise au Muséum
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Abonnez-vous dès 1 €Le Muséum national d’histoire naturelle, à Paris, a présenté sa dernière acquisition : une fluorite du Mont-Blanc. Découvert en 2006, ce spécimen de 5 kg associe deux minéraux d’une grande rareté – la fluorite rouge et le quartz enfumé – et témoigne ainsi de la variabilité de couleurs et de formes des minéraux. Cette acquisition a été réalisée grâce à une opération de mécénat pour laquelle, pour la première fois en France, un objet d’histoire naturelle a été classé trésor national.
Cette mesure permettra au mécène (la Fondation Total) de bénéficier des avantages fiscaux de la loi 2003 sur le mécénat. Il pourra déduire de ses impôts 90 % de la somme versée, ici d’un montant total de 250 000 euros. Pour l’heure, la fluorite est exposée, de manière théâtrale, au premier étage de la grande galerie de l’Évolution, avant de rejoindre le reste de la collection de minéraux au sous-sol.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°323 du 16 avril 2010, avec le titre suivant : Malaise au Muséum