Inauguré le 22 novembre, le Musée d’art islamique de Doha révèle les joyaux de la collection que le Qatar s’est constitué en à peine quinze ans
DOHA - Élément phare du vaste projet culturel initié par la capitale du Qatar (lire le JdA n°291, 14 novembre 2008, p. 18), le Musée d’art islamique de Doha (MIA) a ouvert ses portes au public le 22 novembre. Si le projet architectural de Ieoh Ming Pei était visible depuis l’année dernière, les espaces muséographiques confiés à Jean-Michel Wilmotte ont, pour leur part, étaient soigneusement gardés secrets avant l’inauguration. Pour révéler au public les œuvres collectionnées depuis une quinzaine d’années par l’émirat, l’architecte français a imaginé une « ambiance théâtrale », tamisée et chaleureuse. Ne bénéficiant pas de lumière naturelle, les objets émergent de l’obscurité à la manière d’un trésor jusque-là caché. Un porphyre gris anthracite a été utilisé pour concevoir le sol. Aux murs, un bois exotique a été traité avec une poudre dorée afin de conférer à l’ensemble un effet « métallique » et « plus sombre ». Les espaces d’exposition permanente, qui occupent les deux premiers étages du musée, tranchent donc résolument avec l’écrin conçu par Ieoh Ming Pei. En cherchant à « saisir l’essence de l’architecture islamique », l’architecte sino-américain avait, en effet, livré un bâtiment qui joue avec la lumière écrasante du désert de Doha et les zones d’ombres apportées par les constructions modernes. Dans ce même état d’esprit, le vaste atrium qui accueille le public et permet de rejoindre chaque partie de l’édifice (auditorium de deux cents places, espaces pédagogiques, bureaux administratifs, restaurant) n’est pas sans évoquer l’espace sous la pyramide du Louvre. L’arrivée dans les salles permanentes est donc vécue comme un véritable choc visuel. L’œil est obligé de s’adapter et de se mettre en condition pour découvrir les œuvres dont la présentation est, de prime abord, purement esthétique. On y retrouve des fleurons de la collection déjà exposés au Louvre à l’été 2006, comme le Bol du IXe siècle provenant d’Irak ayant pour seul décor une ligne de calligraphie peinte en bleue signifiant ma ‘oumila salouha (« ça en valait la peine »). Cette pièce avait fait sensation lors de sa venue à Paris tout comme la bouche de fontaine du Xe siècle figurant une biche en bronze coulé et gravé, probablement originaire d’un palais andalou. Citons encore ce tapis iranien du XIVe siècle aux couleurs vives, remarquablement bien conservées. Tout au long du parcours, les cartels sont réduits à leur strict minimum et aucun panneau pédagogique n’est proposé. Des audioguides et un programme soutenu de conférences et visites thématiques sont censés répondre aux exigences pédagogiques que s’est fixée l’institution. Les 5 000 m2 d’espaces permanents desservent dix-huit salles sur deux étages. Le premier s’organise de manière thématique (calligraphie, manuscrits enluminés, utilisation du script et du décor, science et astronomie, débuts de l’écriture…). Le deuxième est chronologique et historique. Plus de sept cents pièces y sont exposées, couvrant une zone géographique allant de l’Espagne à l’Asie centrale, en passant par l’Égypte, l’Irak, l’Iran, la Syrie, les pays du Maghreb, la Turquie ou l’Inde, et retraçant douze siècles d’histoire de l’Art islamique, du VIIIe au XIXe siècle.
Une exposition politique
Comme l’explique le directeur du MIA, Oliver Watson, ancien conservateur à l’Ashmolean Museum d’Oxford et au British Museum à Londres, la première exposition temporaire sera avant tout politique : « Il s’agit de montrer un Islam tolérant et ouvert aux échanges avec le monde entier. L’Islam a collaboré tout au long de son histoire avec d’autres cultures et d’autres religions, c’est une réalité… » Pour ce, une cinquantaine de pièces provenant d’une vingtaine d’institutions du monde entier devrait côtoyer les collections du musée. Le Victoria & Albert Museum, à Londres, prête ainsi un plat égyptien décoré avec un portrait chrétien copte. Baptisée « Au-delà des frontières – L’art islamique à travers les cultures » (jusqu’au 22 février 2009), la manifestation doit montrer la diversité culturelle de l’héritage du monde musulman. L’équipe de conservation, qui ne compte pas plus de cinq personnes actuellement, devra être fortement augmentée pour répondre aux exigences scientifiques que le MIA s’est imposé. L’établissement souhaite pour l’heure se lancer dans la publication du catalogue de ses collections. L’émirat espère que celles-ci attireront près de 100 000 visiteurs annuels, des résidents qataris, ou venant des pays du Golfe ou d’ailleurs.
Architecte : Ieoh Ming Pei
Scénographie : Jean-Michel Wilmotte & Associés
Directeur du musée : Oliver Watson
Superficie du musée : 35 000 m2
Espaces d’exposition permanente : 3 000 m2
Espaces d’exposition temporaire : 870 m2
Espaces éducatifs : 2 700 m2
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
« Ma ‘oumila salouha »
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°292 du 28 novembre 2008, avec le titre suivant : « Ma ‘oumila salouha »