Le Musée Aga-Khan des arts de l’islam,
dont la construction est prévue à Londres, pourrait bien finalement s’ouvrir dans une autre capitale européenne. Le terrain envisagé, sur les bords de la Tamise, en face du palais
de Westminster, est en effet convoité par l’hôpital St-Thomas.
LONDRES (de notre correspondant) - L’hôpital St-Thomas a annoncé le mois dernier son intention de récupérer le terrain prévu pour la construction du Musée Aga-Khan des arts de l’islam. Cependant, l’établissement ne pourrait payer que la moitié des 24 millions de livres (37 millions d’euros) offerts par l’Aga-Khan Development Network. Le King’s College, propriétaire du terrain, devrait prendre sa décision le 2 juillet prochain.
Le Musée Aga-Khan devrait être le plus grand musée des arts de l’islam du monde anglophone. Il serait construit autour de la collection du prince Sadruddin Aga Khan, l’oncle du chef spirituel de la communauté ismaélienne. Cette collection est principalement constituée de miniatures mogholes, perses et turques, datant surtout du XVIe siècle. Les pièces les plus spectaculaires sont les six feuillets appartenant au prince Sadruddin et provenant du Shahnamè (Le Livre des Rois) de shah Tahmasp, dont la plupart des feuillets sont conservés aujourd’hui à Téhéran. Les plus belles pièces de la collection ont été exposées entre 1998 et 2000 au British Museum, puis à Harvard, Zurich et Genève. Les manuscrits islamiques appartenant à l’Aga Khan et à ses organisations – dont le seul manuscrit existant d’Avicenne, son Canon de la médecine, datant de 1052 – constitueraient l’autre ensemble clé du musée. Selon les ismaéliens, leurs manuscrits seraient “comparables, voire supérieurs en nombre” aux pièces chrétiennes conservées à la bibliothèque du palais Lambeth, situé à Londres à proximité du site envisagé. Outre le musée, le nouveau complexe comprendrait aussi une bibliothèque, l’Institut de recherches ismaéliennes, des locaux pour accueillir l’université Aga-Khan d’Asie centrale (Tadjikistan, République de Kirghizie et Kazakhstan), ainsi que les bureaux anglais de la Fondation Aga-Khan et de l’Aga-Khan Trust for Culture.
Un site stratégique de Londres
Avec ce complexe, Londres disposerait le long de la Tamise d’un ensemble de grandes institutions artistiques, partant de la Tate Modern, en passant par le South Bank Centre et le County Hall (qui devrait accueillir bientôt la Saatchi Gallery). La question problématique concerne le terrain, acheté en 1998 par le King’s College dans le cadre d’un accord complexe impliquant le National Health Service (Sécurité sociale) de Londres. Actuellement, les annexes de l’hôpital St-Thomas sont installées sur une partie seulement du terrain, l’autre étant inoccupée. L’administration de l’hôpital souhaiterait disposer du terrain à long terme pour y installer une école d’infirmières et plusieurs unités médicales. Elle se dit prête aujourd’hui à payer au moins 12 millions de livres. Cependant, l’Aga Khan Development Network a fait une offre de 24 millions de livres. Le King’s College se trouve donc face à un dilemme de taille. Tout pour l’instant porte à croire qu’il pencherait en faveur de l’hôpital.
Ce site est l’un des plus stratégiques de Londres, avec sa vue sur la Tamise et le palais de Westminster, sur l’autre rive. Sans négliger l’importance des installations médicales, elles pourraient néanmoins trouver un autre lieu. Les ismaéliens insistent sur le fait que leur projet contribuera à “poser de nouvelles bases pour la compréhension, le respect et la coopération entre les différentes confessions, mais aussi entre l’Orient et l’Occident”. Il y a deux ans, l’Aga Khan avait déjà essayé d’acheter le terrain sur lequel se trouvait le Royal Army Medical College, à côté de la Tate Britain, mais il a finalement été vendu au Chelsea College of Art. S’il perdait aussi le site de l’hôpital St-Thomas, l’Aga Khan pourrait définitivement se détourner de Londres et décider d’installer son musée et son centre culturel dans une autre capitale européenne.
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Londres ou le Continent ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°151 du 14 juin 2002, avec le titre suivant : Londres ou le Continent ?