PARIS
Bénéficiant de nombreux prêts d’institutions françaises et des pays partenaires, l’Institut du monde arabe a inauguré ses nouveaux espaces permanents. Cette ouverture marque une première étape dans le changement de cap de l’institution qui se concentrait jusque-là sur les arts de l’Islam et va désormais s’ouvrir à la diversité culturelle de l’ensemble des pays du monde arabe.
PARIS - Depuis 2008, l’Institut du monde arabe (IMA) s’est lancé dans un projet de refonte du musée qui se concrétise aujourd’hui par l’inauguration de ses nouveaux espaces permanents. L’IMA, qui se concentrait sur les arts de l’Islam, a changé d’orientation pour s’ouvrir à l’ensemble de l’aire géographique que constituent les 22 pays du monde arabe, en soulignant sa grande diversité ethnolinguiste, et aborder une histoire qui remonte aux civilisations antiques, mésopotamienne, égyptienne, perse, grecque, romaine, byzantine… Cette volonté de renouvellement était d’autant plus nécessaire que le Louvre inaugurera à l’automne prochain sa nouvelle aile consacrée aux arts de l’Islam. « L’aspect multiculturel du monde arabe, compris dans toute sa diversité, constitue le fil conducteur de ce nouveau parcours », explique Marie Foissy, chef du projet scientifique. « Le propos est de faire le lien entre toutes ces cultures, ces communautés, qui s’y sont rencontrées depuis l’Antiquité. Il s’agit de montrer ce qu’on ne voit nulle part : la synthèse des héritages du monde arabe. Et ainsi mettre en exergue des mémoires oubliées ou éparses et les rassembler pour les rendre à l’humanité », précise encore la conservatrice. Même si elle se défend d’aborder des questions d’ordre politique, le projet en a tous les aspects. Éric Delpont, directeur des collections à l’IMA, reconnaît que la démonstration « montre combien le monde arabe ne se résume pas aux idées reçues et souligne son ouverture. L’Arabie saoudite prête des pièces d’un patrimoine antéislamique qu’elle reconnaît donc pleinement ».
Un enrichissement hétéroclite et permanent
Les pièces réunies ont été regroupées dans de grandes thématiques généralistes à commencer par un chapitre sur « Les Arabies » perçues comme le berceau d’un patrimoine commun, avant que ne soit abordé « le Sacré et les figures du divin », des cosmogonies mésopotamiennes aux trois religions monothéistes que sont le judaïsme, le christianisme et l’islam. Sont ensuite évoquées « La Ville » avec la naissance de grandes fondations urbaines, suite à l’expansion de l’Islam au VIIe siècle, où cohabitent différentes communautés, et « L’expression plastique de la beauté », avant une conclusion sur le voile féminin, mentionné dès le IIe millénaire avant notre ère dans les tablettes issues du royaume syrien Mari. Les œuvres témoignent d’un profond hétéroclisme accentué par un espace décloisonné et les grandes vitrines tout en transparence conçues par le scénographe Roberto Ostinelli. Les pièces sont issues des collections de l’IMA (qui compte dans ses inventaires quelque 1 200 numéros dont une majorité de pièces d’art islamique), mais aussi de nombreux prêts et dépôts provenant d’institutions françaises comme le Louvre, la Bibliothèque nationale de France, le Musée du quai Branly ou le Cabinet des médailles, ainsi que de nombreux pays arabes. Les services des Antiquités et du Patrimoine d’Arabie saoudite, de Bahreïn, de Jordanie, de Tunisie et de Syrie ont accepté de participer au projet ainsi que de nombreux collectionneurs privés. Renouvelables, les prêts ont été négociés pour des périodes courant d’un à cinq ans. Ils pourront ensuite être remplacés par de nouvelles acquisitions. Le budget d’enrichissement des collections de l’IMA n’a pour le moment pas encore été bouclé, mais une large part devrait être accordée à l’art contemporain. L’ouverture du musée à tous les aspects de la création du monde arabe n’a donc pas de limite chronologique. « Pour nous, conservateurs, chercheurs, anthropologues, archéologues, toute culture est précieuse », insiste Marie Foissy qui a travaillé en collaboration avec différents acteurs du monde scientifique tels qu’Hélène Claudot-Hawad, anthropologue et directeur de recherche au CNRS, Mohamed Benkheira, professeur à l’École pratique des Hautes études, Christian-Julien Robin, directeur de recherche au CNRS et à l’Iremam, ou encore Michel Dousse, historien des religions et membre de l’Institut de recherche en sciences des religions à l’université de Paris Sorbonne (Paris IV). Citons encore Georges Corm, économiste et historien du Proche-Orient, qui dans un entretien réalisé avec Marie Foissy en 2009, soulignait déjà que « l’arabité au sens culturel du terme est un exemple de très beaux mélanges et d’interaction de cultures que les traumatismes de l’histoire […] ont oblitéré de la mémoire collective. Les restituer dans un musée serait rendre justice au génie de la culture arabe ».
Chef du projet scientifique : Marie Foissy, assistée de Naïla Hanna
Directeur des collections : Éric Delpont
Collaboratrice scientifique : Djamila Chakour
Scénographe : Roberto Ostinelli
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L’Institut du monde arabe en mode pluriel
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°364 du 2 mars 2012, avec le titre suivant : L’Institut du monde arabe en mode pluriel