Conservé au Musée d’Orsay, L’hôpital Saint-Paul à Saint-Rémy pourrait être l’œuvre d’un faussaire qui se serait inspiré d’une toile de l’artiste aujourd’hui conservée au Armand Hammer Museum of Art, à Los Angeles. Les doutes sont si sérieux que le Musée d’Orsay soumet actuellement la toile à un examen détaillé, dont les résultats devraient bientôt être communiqués.
L’Hôpital Saint-Paul à Saint-Rémy (H 1840), conservé au Musée d’Orsay, est daté d’octobre 1889, lorsque Van Gogh séjournait à Saint-Rémy-de-Provence. L’artiste aurait peint cette toile pour le directeur de l’asile, le Dr Théophile Peyron, qui est sans doute le personnage élégamment vêtu figurant au premier plan, près d’un vieux pin. Dans une lettre à son frère Théo datée du 2 novembre 1889, Vincent raconte qu’il a “fait une toile pour M. Peyron, une vue de la maison avec un grand pin.” Le tableau du Musée d’Orsay représente l’entrée de l’asile, côté jardin, et le personnage en chapeau de paille jaune qui passe le porche, au fond à droite, est probablement Van Gogh. L’artiste peignait fréquemment dans le jardin, où il passait le plus clair de son temps dès que sa santé le lui permettait. L’édition 1970 du catalogue de Baart de la Faille mentionne que L’hôpital Saint-Paul à Saint-Rémy a été donné par le fils du Dr Peyron, Joseph, à Marie Gasquet, l’épouse d’un poète de Saint-Rémy. Celle-ci l’aurait vendu à la galerie parisienne Bernheim Jeune. Toutefois, cette provenance n’est pas attestée, la seule certitude étant que Bernheim Jeune a vendu le tableau à Cassirer, en 1914. L’œuvre est ensuite passée dans de nombreuses mains avant qu’un marchand parisien, Max Kaganovich, et son épouse Rosy, ne l’offrent en 1973 au Musée du Jeu de Paume (le tableau a été transféré à Orsay en 1986). Anne Distel, conservateur au Musée d’Orsay, reconnaît que la toile étant entrée dans les collections grâce à une donation, sa provenance n’a pas été soumise à un examen plus détaillé, les informations de la Faille faisant foi. Roland Dorn émet précisément des doutes quant à la provenance du tableau : "Le lien avec le Dr Peyron est incertain et Marie Gasquet avait une réputation équivoque. La provenance n’est solidement établie qu’à partir de 1914." Il suggère que la donation au Dr Peyron aurait très bien pu être inventée a posteriori afin de justifier les vingt-cinq ans écoulés entre sa date supposée d’exécution et sa réapparition. L’existence de la lettre à Théo du 2 novembre 1889 aurait en fait permis à un faussaire de réaliser un faux “crédible”.
Rayons X et infrarouges
Pour corser le mystère, il existe une autre toile de Van Gogh représentant une vue analogue de l’entrée et du jardin de l’hôpital, intitulée Pins dans le jardin de l’asile (H 1799) et aujourd’hui conservée au Armand Hammer Museum of Art, à Los Angeles. Peinte depuis un point de vue légèrement différent, un peu plus éloigné du bâtiment, elle montre un bosquet de pins se détachant sur un grand pan de ciel. Cette œuvre est datée de début octobre 1889, soit un mois avant l’éxécution de celle d’Orsay. Ceux qui doutent de l’authenticité du tableau parisien avancent qu’un faussaire a pu s’inspirer de la toile de la collection Hammer. Cependant, Van Gogh exécutait fréquemment différentes versions du même sujet, de sorte que l’existence de doublons et de variantes n’a rien de surprenant en elle-même. Une comparaison des deux toiles, côte à côte, pourrait être révélatrice, d’autant que Roland Dorn conteste l’authenticité du tableau d’Orsay pour d’autres raisons. Il estime que “le traitement très sommaire de l’architecture” est inhabituel dans l’œuvre de Van Gogh, et ajoute que certains détails techniques ne se retrouvent pas dans d’autres travaux contemporains de Vincent, en particulier l’application a secco de la peinture et la toile laissée nue par endroits. “L’hôpital Saint-Paul à Saint-Rémy est aujourd’hui accepté comme authentique, mais nous sommes tout à fait prêts à examiner les éléments nouveaux qui pourraient apparaître”, nous a déclaré Anne Distel qui nous a par ailleurs confirmé que le Musée d’Orsay soumettait actuellement le tableau à un examen détaillé aux rayons X et aux infrarouges, suivant en cela les suggestions de Roland Dorn et d’autres experts. Toutes ces recherches ne devraient plus tarder à livrer leur verdict.
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°39 du 30 mai 1997, avec le titre suivant : « L’Hôpital Saint-Paul à Saint-Rémy »