Vincent retrouve des jardins

Par Martin Bailey · Le Journal des Arts

Le 5 novembre 1999 - 559 mots

Après le Jardin à Auvers (lire le JdA n° 86, 2 juillet), c’est au tour du Jardin de l’hôpital Saint-Paul de Van Gogh d’être réhabilité. Les analyses scientifiques et historiques effectuées par le Musée Van Gogh concordent : le tableau est de la main du peintre.

AMSTERDAM - En établissant l’authenticité du Jardin de l’hôpital Saint-Paul de Vincent van Gogh, le musée d’Amsterdam met fin à une polémique nourrie par son fondateur, Vincent Willem van Gogh, neveu du peintre. Le tableau lui avait été donné en 1954 par le fils du Dr Paul Gachet, mais les relations entre les deux hommes s’étant altérées, V.W. van Gogh avait mis en doute son authenticité. Le Nouveau catalogue raisonné de Van Gogh, publié il y a trois ans par Jan Hulsker, et le rejet de l’œuvre par Benoît Landais, auteur de L’Affaire Gachet (éditions du Layeur), n’en avait pas amélioré la réputation. “Cela ne correspondait pas à l’idée traditionnellement entretenue d’un peintre spontané travaillant en plein air”, explique Louis van Tilborgh, conservateur au Musée Van Gogh. Selon lui, les critiques n’avaient pas réussi à accepter que Van Gogh ait exécuté dans son atelier une version plus soignée d’un tableau exécuté peu de temps auparavant (conservé au Folkwang Museum, à Essen), une hypothèse que soutient depuis longtemps le musée d’Amsterdam. Lors de la préparation de l’exposition sur la collection Gachet, au Grand Palais, il avait toutefois été décidé de soumettre le Jardin de l’hôpital Saint-Paul à un examen approfondi.

Une recherche sur sa provenance a permis de retrouver une petite copie à l’aquarelle du tableau, exécutée par l’un des amis du Dr Gachet entre 1900 et 1903. L’œuvre apparaît alors comme trop ancienne pour être un faux, car, à cette époque, un Van Gogh n’atteignait pas des prix élevés. De plus, la toile, le châssis et le rentoilage correspondent à ceux utilisés par le peintre à Saint-Rémy, et les onze échantillons de peinture prélevés confirment que les pigments sont compatibles avec une palette de la fin du XIXe siècle et, à une exception près, ont déjà utilisés par Van Gogh. Quant à la couleur rouge, douteuse pour certains experts, l’altération d’un pigment organique sous l’effet de la lumière lui a donné cet aspect. Spontanée, rythmique mais pourtant soignée, la facture de l’œuvre dans sa forme, sa texture, sa consistance ou son orientation, est semblable à la manière de Vincent à Saint-Rémy. Plus précis, l’examen au microscope des coupes transversales de ces échantillons a permis de dénombrer jusqu’à onze couches de peinture, parfois appliquées les unes sur les autres sans avoir sécher, une façon de procéder compatible avec ses méthodes de travail.

Pour terminer, Louis van Tilborgh déclare avoir trouvé des lettres du peintre faisant référence au tableau d’Amsterdam, notamment une correspondance datée du 7 décembre 1889, jadis mal interprétée. Sa conclusion est précise : le tableau d’Amsterdam est bien une seconde version, exécutée dans un atelier quelques jours ou semaines plus tard, de l’œuvre conservée à Essen, peinte d’octobre à novembre 1889. Mais le conservateur admet que la variante de l’atelier “n’est pas aussi réussie.” On pourra en juger en visitant l’exposition de la collection du Dr Gachet à Amsterdam, où figurent les deux tableaux.

De Cézanne à Van Gogh : la collection du docteur Gachet

Jusqu’au 5 décembre, Musée Van Gogh, Paulus Potterstraat 7, Amsterdam, tél. 31 20 570 52 00, tlj 10h-18h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°92 du 5 novembre 1999, avec le titre suivant : Vincent retrouve des jardins

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