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MUSÉOGRAPHIE

Les dispositifs multimédia victimes aussi du Covid-19

Par Olympe Lemut · Le Journal des Arts

Le 30 juin 2020 - 939 mots

FRANCE

Les musées ont dû adapter, plus ou moins facilement, leurs outils de médiation multimédia pour tenir compte des nouveaux protocoles sanitaires. Les scénographies ont été partiellement repensées.

Le hall Defrasse de Citéco, la Cité de l'économie à Paris © Photo Charlotte Donker
Le hall Defrasse de Citéco, la Cité de l'économie à Paris.
© Photo Charlotte Donker

France. Ce n’est que le 8 mai que le ministère de la Culture et la Direction générale des patrimoines ont publié leurs recommandations à destination des musées en vue de leur réouverture. Parmi elles, figure la désactivation des dispositifs de médiation numériques, comme les écrans tactiles et les tablettes. Supprimer les écrans, les tables lumineuses, les vidéos à choix multiples ou avec casque s’avère un casse-tête pour de nombreux musées qui ont fait le pari du tout multimédia dans leurs parcours.

Plusieurs établissements ont mené une réflexion pendant le confinement, de manière collégiale. Delphine Pinasa, directrice du Centre national du costume de scène (CNCS), à Moulins, explique que la réflexion s’est faite en interne, mais aussi avec d’autres établissements de la région : « les musées de Moulins, celui du Puy-en-Velay, ainsi que la Drac comme intermédiaire ». À Paris, le Musée Citéco (voir ill.), récemment inauguré, a aussi contacté d’autres musées pendant le mois d’avril : Sylvie Marascalchi, responsable du bâtiment et de la maintenance muséographique, cite entre autres « la cité des sciences de La Villette, qui possède beaucoup de dispositifs multimédias ». C’est à l’issue de ces consultations que ces musées ont décidé comment adapter leurs dispositifs de médiation, en fonction de leur place dans le parcours.

Limiter les manipulations directes

Si la plupart des musées ont préféré supprimer certains dispositifs, quelques-uns ont choisi de tout conserver, comme le Musée Saint-Raymond de Toulouse. D’après Lydia Mouysset, responsable du service des publics et de la communication, « il y a une quinzaine de dispositifs entre les collections et l’exposition temporaire, et ils restent tous en service ». Les visiteurs sont donc priés d’utiliser du gel hydroalcoolique avant de les toucher, précise-t-elle. Quant aux audioguides, « ils sont désinfectés après chaque usage et le texte peut être téléchargé sur smartphone ».

Lorsque les dispositifs multimédias constituent une part importante de la muséographie, les établissements ont choisi d’adapter ces outils, sans tronquer pour autant le contenu de la visite. À Citéco, Sylvie Marascalchi explique que « les visiteurs pourront utiliser un stylet fourni gratuitement pour appuyer sur les boutons ou sur les écrans tactiles ». Pour les dispositifs à manipuler avec des manettes, le musée réfléchit à « un nouvel outil, peut-être un crochet ». Enfin, il encourage les visiteurs à « modifier leurs gestes, comme appuyer sur les boutons avec le coude ». Le Musée de la Romanité à Nîmes a fait les mêmes choix. Son directeur Fabrice Revillon précise qu’un stylet « sera offert à chaque visiteur à l’entrée, et seuls les dispositifs à manipuler seront désactivés, c’est-à-dire deux sur une soixantaine au total ». Il rappelle que le multimédia joue un grand rôle surtout pour les collections archéologiques, et que le musée doit « proposer une visite qui ne soit pas dégradée » pendant la crise sanitaire.

Simplification des dispositifs

D’autres musées ont modifié quelque peu leur scénographie. Au Musée des Confluences à Lyon, les équipes ont cherché à adapter au maximum les dispositifs de médiation en l’état. Marja Laukia, directrice des expositions et des collections, précise que le musée a supprimé quelques dispositifs, mais en a conservé la plupart : « Les vidéos sont prévues pour se déclencher au passage des visiteurs avec un détecteur de mouvement, et elles tournent en boucle. » Les casques audio ont été retirés et le son sort par haut-parleurs, au risque de créer quelques interférences. Elle réaffirme que « toutes les salles et expositions du musée restent ouvertes avec un parcours fléché ». Le Musée de l’Armée à Paris a fait à peu près les mêmes choix d’après Cécile Chassagne, responsable de la mission numérique : « Pour les dispositifs fixes, nous avons choisi de mettre les vidéos en boucle, sans casque audio, et sans choix de langue pour l’instant. Les boutons poussoirs ont été neutralisés. » Un dispositif interactif plus élaboré en temps normal a été simplifié, en réduisant l’interaction entre une carte animée centrale et les écrans latéraux. Pour les audioguides, un double nettoyage est effectué entre chaque visiteur et un casque à usage unique pourrait être proposé. Cécile Chassagne évoque enfin l’Historial Charles de Gaulle, entièrement interactif, où l’audioguide est obligatoire, car il se déclenche automatiquement à certains endroits du parcours : « Il ne rouvrira qu’en septembre. Nous réfléchissons donc encore ; le problème reste le déclenchement des nombreux dispositifs tactiles. »

Neutralisation du multimédia

Il arrive enfin qu’un établissement où ces dispositifs sont peu nombreux préfère les désactiver temporairement, comme au CNCS. Delphine Pinasa exlique : « Nous avons enlevé toutes les tablettes numériques de la collection Noureev, destinées surtout aux enfants. » Elle concède que les collections du musée et les expositions temporaires constituent l’atout de l’établissement avant les dispositifs de médiation, dans la mesure où sont exposés en grand nombre « des costumes, des accessoires, des meubles et des objets liés au monde du spectacle ». Même constat au Musée de l’Armée, où « les collections se suffisent presque à elles-mêmes », selon Cécile Chassagne.

La crise du Covid-19 et ses conséquences sur les scénographies des musées remettent donc en jeu l’utilisation du numérique et du multimédia dans les parcours de visite. À Nîmes, Fabrice Revillon rappelle que le parcours est composé « à 50 % par les collections et les objets, et à 50 % par le numérique et le multimédia », ce qui rend donc impossible de supprimer la médiation numérique sans amputer le contenu des visites.

Pour Sylvie Marascalchi, la crise sanitaire donne aujourd’hui l’occasion de réfléchir à l’avenir de ces dispositifs : « Après les solutions à court terme, il faudra réfléchir aux usages du numérique, car l’outil est ludique, il peut s’adapter, mais il a aussi ses limites. »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°548 du 19 juin 2020, avec le titre suivant : Les dispositifs multimédia victimes aussi du Covid-19

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