Chaque mois, le Journal des Arts vous invitera désormais à découvrir un métier d’art : Renato Boaretto, créateur et restaurateur d’automates, inaugure cette nouvelle rubrique. Né en 1942, responsable pendant vingt ans d’un studio d’art graphique pour la gravure sur métaux, il a changé de cap en 1980 pour se plonger dans le monde des automates.
PARIS - Dans un atelier du boulevard Malesherbes à Paris, des têtes, des jambes, des corps inanimés attendent qu’une main leur insuffle la vie. Mi-Geppetto, mi-Pygmalion, le démiurge s’appelle Renato Boaretto. Magie, poésie, harmonie… sont les mots qui reviennent inlassablement dans la conversation lorsqu’il tente de définir son métier, ou plutôt son art, car il est l’un des trente-sept Maîtres d’art nommés par le ministère de la Culture depuis 1994. Cette distinction est venue couronner un parcours atypique puisqu’en quinze ans à peine, Renato Boaretto a réussi à se faire un nom dans une profession qu’il a découvert seul. Autodidacte de l’automate, il transmet désormais son savoir-faire à une élève, grâce aux 100 000 francs alloués annuellement par la rue de Valois, pendant trois ans au maximum.
60 à 500 heures de travail
Malheureusement, "la grande vogue de l’automate est révolue, victime de la Première Guerre mondiale et de certains antiquaires qui ont sclérosé le marché en faisant l’apologie de l’ancien", tonne ce Vénitien d’origine dont 80 % de l’activité est tournée vers la création. Cet état de fait a non seulement freiné l’innovation, en condamnant les rares fabricants à se cantonner aux copies, mais a en outre encouragé l’apparition de nombreux faux sur le marché… Les prix atteints par les pièces les plus exceptionnelles ont de quoi faire rêver : ainsi, la Charmeuse de serpents (Roullet et Decamps, 1900) mise en vente par Dina Vierny chez Sotheby’s Londres, le 17 octobre, a été adjugée au prix record de 155 500 livres avec les frais, soit environ 1,3 million de francs !
Un automate signé Boaretto coûte autour de 10 000 francs. Toutefois, certains modèles valent dix fois plus cher, comme cette femme en lévitation ou cet équilibriste achetés par un musée japonais. Si Paris fut la capitale de l’automate au XIXe siècle, le Pays du Soleil levant est en effet l’un des premiers à redécouvrir les charmes de ces personnages qui se meuvent de l’intérieur. Autre clientèle de choix, les pays du Golfe et le sultanat de Brunei, pour qui Renato Boaretto a conçu "des dizaines" d’automates ornés de pierres précieuses par les grands joailliers de la place Vendôme, comme Mauboussin, dans la grande tradition d’un Fabergé. "Jamais de tissu, jamais de cuir, toujours de l’or et des diamants", se désole-t-il, regrettant cette débauche de luxe au détriment de l’émotion.
Car "un fabricant d’automates n’est ni un mécanicien, ni un horloger", même s’il utilise un système à bielles ou des cames entraînées par un moteur à ressort, voire une combinaison des deux, pour transformer un mouvement rotatif en un mouvement alternatif. Tout au contraire, son métier requiert une multiplicité de talents. Après avoir conçu et réalisé les ingénieux mécanismes qui animent ses personnages, en faisant appel au besoin à l’informatique, il doit ensuite installer une "musique" à l’intérieur, modeler une tête en porcelaine, peindre l’expression du visage, tailler et coudre un costume, roder et régler la pièce avant sa livraison… Soit de 60 à 500 heures de travail, parfois davantage, pour "raconter une histoire" esquissée en quelques mouvements parfaitement synchronisés : une scène de rue, un clown équilibriste, un groupe de musiciens de jazz, un quatuor baroque… et pourquoi pas, Pinocchio ou Galatée.
Où voir des automates ?
Le Musée national de Monaco et le Musée de l’automate de Souillac (Lot) possèdent deux des plus belles collections d’automates au monde, soit des centaines de pièces réalisées par Bontems, Decamps, Lambert, Phalibois, Vichy… Le Musée des automates de La Rochelle compte trois cents automates anciens et modernes. Une cinquantaine d’automates sont exposés au Musée de la Femme à Neuilly-sur-Seine. En attendant la réouverture du Musée des arts et métiers (fin 1998), une préfiguration du "théâtre d’automates" que le musée compte y créer sera présentée au Palais de la Découverte de mai à juillet.
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Le Vaucanson du boulevard Malesherbes
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Abonnez-vous dès 1 €Renato Boaretto, boutique Mascarade, 74 bd Malesherbes, 75008 Paris, tél. 01 42 25 09 28, tlj sauf dim. 9h30-19h, sam. 11h-18h.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°32 du 1 janvier 1997, avec le titre suivant : Le Vaucanson du boulevard Malesherbes